Jane bis

Post Scriptum n’est pas du tout un bis repetita du premier tome du journal de Jane b. C’est juste pour faire un bon mot. Car pour moi, ce n’est plus la même Jane, même si, en public, elle reste toujours délicieuse, souriante et « marrante ». Je trouve qu’ici, qui commence en 82, dans la plénitude de la belle mi-trentaine, elle chante le blues. Elle a peur d’être délaissée par Doillon qui se barre tourner loin avec de belles actrices tandis qu’elle donne l’impression de s’emmerder à la maison avec le bébé qu’elle adore, Lou. Doillon manque totalement de romantisme, ne lui dit pas les mots qu’elle attend, ne la rassure pas sur son physique. Elle se sent tellement nulle ! La douleur de la séparation d’avec Serge est aigüe, elle s’en veut de lui faire si mal mais c’est aussi grâce à cela qu’il lui écrit ses plus belles chansons. Même si elle adore l’amour avec Jacques, Serge continue d’emplir son cœur, ça n’est pas facile à vivre, j’imagine, pour les trois. Jane se révèle une femme très peu sûre d’elle, très fragile, qui se prend la tête pour ce qu’elle représente auprès des autres. Se demandant fréquemment si elle est une bonne mère, trouvant que non mais se félicitant de la bonne nature de ses filles.
Autant le premier tome était assez drôle, parfois scandaleux, autant celui-ci nous entraîne dans le spleen qui semble l’habiter. Plus on avance, plus elle apparaît bordélique. Son histoire avec Doillon s’arrête comme elle l’avait prévu : il la plaque pour une autre. Mais elle n’est jamais seule, des tas d’amis gravitent autour d’elle, elle sort beaucoup, boit beaucoup et souvent bien trop, elle le dit. Elle est à la fois une globe-trotteuse acharnée et une moule collée à sa famille, ses filles, ses parents. Puis Serge meurt et son père, en même temps. Elle est dévastée. Le journal s’interrompt quelques mois.
Puis la vie cahotique et artistique reprend avec succès, les tours de chants, la planète à conquérir, les films plus ambitieux, les causes à défendre, toujours. C’est comme ça qu’elle se lie avec Olivier Rolin, une histoire d’amour houleuse pleine de malentendus, elle ira habiter juste en face de chez lui alors que Kate, sa fille, se liera plus longuement avec Jean Rolin, le frère d’Olivier. Il est beaucoup question de ses filles, de leurs problèmes personnels parfois très graves et douloureux, en même temps, il lui est difficile d’être une mère modèle après toutes les frasques qu’elle a faites publiquement.
Et le temps passe dans un tourbillon de dates, d’avion, des trucs qu’elle paume un peu partout, des gens qui l’aident à faire ses tournées, ça semble d’une extrême bohème, tout ça. Les chambre des cliniques envahies par la famille et les ami/es proches lors d’un accouchement, d’une maladie et même d’une agonie, celle de sa mère. Tout le monde vient avec des fleurs, du vin, des douceurs… Elle-même est empêtrée dans un sale cancer qui la plombe gravement, une leucémie qu’elle traîne longtemps, des chimios qui l’épuisent mais elle continue à vouloir se produire, elle y arrive parfois, pas toujours, elle veille sur les filles et leurs petits, sa chienne adorée Dora, infernale, qui mord  et qui pue mais elle s’en fout. Enfin, quand tout semble s’arranger, que la douleur du deuil de sa mère s’adoucit, que sa maladie s’éloigne, que Kate s’installe avec un amoureux in love, que Lou explose avec sa carrière de chanteuse, Kate se suicide. Fin du journal, Jane n’écrira plus.
Des coulisses très encombrées, des tas de personnages, une nuée d’ami/es de toutes sortes, une vie trépidante, tropidente j’ai envie d’écrire, mais tellement remplie. Et comme dit Jane, chaque fois que ça n’allait pas, les tout proches étaient là, ça discutait, ça picolait : c’était très gai.

Post scriptum de Jane Birkin. 2019 aux éditions Fayard. 430 pages, 23 €
Pour voir mon article sur le premier tome : ici

Texte © dominique cozette

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