Jules Gabot est en retard au rendez-vous. Il a eu une fuite en urgence au dernier moment. Il me retrouve au Stella, la brasserie hype de la ville. Il est tel qu’en lui-même, nature, une clope à l’oreille, cheveux ébouriffés. Il a commencé sa carrière de plombier en 2008, et sa première intervention — chance inouïe — eut lieu à l’hôtel de ville de sa petite commune..
– « C’est vrai que j’ai été gâté. Peu de jeunes plombiers peuvent en dire autant…
– Ne me dites pas que c’est le hasard ! Votre nom a dû y être pour quelque chose, non ?
– Absolument pas ! L’employé a cherché dans l’annuaire pour m’éviter mais il a sauté une ligne. Il ne voulait justement pas d’un « fils à papa » (Jules met les doigts en crochet pour mimer les guillemets). Du coup, il m’a traité comme un simple pékin et j’ai pu donner tout ce que j’avais. Il a apprécié et a fait le buzz. Vous savez, ça va vite à se créer, une réputation !
– Etre le fils de Philippe Gabot n’influe-t-il pas sur votre carrière ?
– Cela joue peut-être pour une prise de contact mais si je me plante, terminé. Des plombiers, il y en a une vingtaine ici, on n’attend pas après moi ! Vous savez, c’est assez … pénible (il mime les guillemets) d’être toujours soupçonné de devoir sa carrière à son père. Prenez les chanteurs par exemple, qui va leur reprocher ça ? Arthur H, M, David Hallyday et bien d’autres, on ne fait jamais référence à leurs pères ! Pourquoi nous, les plombiers, boulangers, maçons, on nous le reproche ?
– C’est plus facile d’entrer dans la carrière…
– Oui, c’est vrai, c’est plus facile, on nous met le pied à l’étrier, on connaît un peu mieux le milieu mais après ? Tu loupes un joint et terminé ! »
On ne dira jamais assez l’amertume de ces jeunes loups fils de, comme Cédric Donzère, charcutier fils de, Jean Thomas, agriculteur fils de, et Céline Barbe, coiffeuse fille de. Et on comprend que pour être crédibles, ils doivent faire leurs preuves deux fois plus que n’importe qui.
texte et dessin © dominiquecozette