Les trois fugues d'Arthur

Arthur H. je l’aime énormément. Sa voix grave et sensuelle, ses textes originaux, ses musiques jazzy, sa vie en marge, sa filiation magique. Arthur écrit superbement bien. Il vient de sortir Fugues, c’est un récit composé de trois parties. L’une, qui ouvre et ferme le livre, se passe dans la chère roulotte où il adore vivre, en pleine nature, loin de tout, déchiffrant courageusement — il n’a pas fait d’études musicales — l’Art de la Fugue de Bach. Bach vient lui rendre visite un soir, dans ce petit havre sans électricité où il possède un clavier basique, et tous deux s’entretiennent amicalement dans un sabir franco-anglo-allemand pour tenter de se comprendre. En fait, Bach réclame une histoire à Arthur comme support de sa création. Alors Arthur lui raconte deux fugues.
La première est passionnante : c’est la fugue de sa mère, Nicole Courtois, le jour de dix-huit ans. S’ennuyant ferme au collège, avec ses copains et son amoureux, ils ont projeté de se barrer pour aller vivre à Tahiti ! Tahiti ! Le petit ami, l’amant même, de Nicole, Roger, poète introverti ultra-sensible, est le frère aîné de Jacques Higelin qui fait partie de l’équipée. Partis d’Argenteuil, ils parviennent en Corse, ils n’ont pas de fric, ne savent rien faire, une vraie galère… L’histoire est racontée comme si Arthur y était. Magique… Ça durera quelques mois. On ne saura pas quand Nicole préfèrera Jacques alors que rien ne le laisse entendre.
La deuxième concerne la fugue que fit Arthur à l’âge de 15 ans, rompant avec l’école et la vie tracée. En vacances pour la première fois avec son père, et aussi sa belle-mère et son petit frère Ken, il est piégé comme Jacques par une omelette aux champignons hallucinogènes : ils vont faire le trip ensemble. Sinon, ce sont des fêtes permanentes chez Coluche. Mais à l’aéroport de Pointe à Pitre, il n’embarquera pas pour rentrer en métropole. Il travaillera sur un bateau aux Antilles et se sentira très heureux d’avoir coupé le cordon…
Quelques photos agrémentent ce récit, c’est pas qu’il en avait besoin mais Arthur semble fier de montrer la beauté de sa mère. Quant à son père, il en parle avec amour bien sûr, mais son indifférence aux problèmes des enfants est impressionnante. Sacré Jacques !
On aimerait des suites… (Voir interview LGL ici)

Fugues d’Arthur H dans la collection Traits et portraits aux éditions Mercure de France. 2019. 190 pages, 19 €.

Texte © dominique cozette

Fils de, encore un !

Jules Gabot est en retard au rendez-vous. Il a eu une fuite en urgence au dernier moment. Il me retrouve au Stella, la brasserie hype de la ville. Il est tel qu’en lui-même, nature, une clope à l’oreille, cheveux ébouriffés. Il a commencé sa carrière de plombier en 2008, et sa première intervention — chance inouïe — eut lieu à l’hôtel de ville de sa petite commune..
– « C’est vrai que j’ai été gâté. Peu de jeunes plombiers peuvent en dire autant…
– Ne me dites pas que c’est le hasard ! Votre nom a dû y être pour quelque chose, non ?
– Absolument pas ! L’employé a cherché dans l’annuaire pour m’éviter mais il a sauté une ligne. Il ne voulait justement pas d’un « fils à papa » (Jules met les doigts en crochet pour mimer les guillemets). Du coup, il m’a traité comme un simple pékin et j’ai pu donner tout ce que j’avais. Il a apprécié et a  fait le buzz. Vous savez, ça va vite à se créer, une réputation !
– Etre le fils de Philippe Gabot n’influe-t-il pas sur votre carrière ?
– Cela joue peut-être pour une prise de contact mais si je me plante, terminé. Des plombiers, il y en a une vingtaine ici, on n’attend pas après moi ! Vous savez, c’est assez … pénible (il mime les guillemets) d’être toujours soupçonné de devoir sa carrière à son père. Prenez les chanteurs par exemple, qui va leur reprocher ça ? Arthur H, M, David Hallyday et bien d’autres, on ne fait jamais référence à leurs pères ! Pourquoi nous, les plombiers, boulangers, maçons, on nous le reproche ?
– C’est plus facile d’entrer dans la carrière…
– Oui, c’est vrai, c’est plus facile, on nous met le pied à l’étrier, on connaît un peu mieux le milieu mais après ? Tu loupes un joint et terminé ! »

On ne dira jamais assez l’amertume de ces jeunes loups fils de, comme Cédric Donzère, charcutier fils de, Jean Thomas, agriculteur fils de, et Céline Barbe, coiffeuse fille de. Et on comprend que pour être crédibles, ils doivent faire leurs preuves deux fois plus que n’importe qui.

texte et dessin © dominiquecozette

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