L’écrivain de la famille Delacourt, c’est Grégoire.

A sept ans, il a le malheur de pondre quatre rimes (cala)miteuses qui font s’extasier ses parents : il sera écrivain. C’est ainsi que naissent les fausses vocations, les fils à la patte, les mauvaises voies (de garage). Il vit dans le nord, avec des parents qui s’effilochent, un père qui, perdant son boulot, quittant sa femme pour une meilleure affaire et vieillissant mal, pète un fusible et se retrouve hébété avec les innocents baveux. Sa mère, l’amante qu’il l’appelle car un jour où elle rentre d’une virée, elle devient, pour le petit garçon, la séductrice, la fumeuse, la fêtarde, la Gena Rowlands. Mais son nouvel espoir, unijambiste onctueux, n’est pas Cassavetes. Et  la petite sœur qui rêve juste de rencontrer son prince, le vrai, avec qui on fait des petits consorts, mais qui  tombe  sur un vrai salaud puis sur un naufragé de l’amour, sans passion, comme elle. Et puis le petit frangin qui a un bug dans le crâne, qui ne sait pas déployer ses ailes et n’aura jamais le mode d’emploi de la vie.
Ecrivain vain, c’est d’abord ce qu’est notre jeune héros, écrasé par l’énorme responsabilité d’avoir à aligner des mots pour ne pas décevoir, pour mériter l’amour des autres. Il n’y arrive tout simplement pas. Pourtant Monique croira en lui. Monique, c’est la dévouée, la pas belle, celle qui bosse pour que son mec réussisse et qu’elle ait une vie de rêve, comme jadis les secrétaires avec les internes en médecine qui les plaquaient une fois le cabinet opérationnel. C’est extrêmement bancal entre eux, et d’ailleurs entre eux, il y a l’éternel bellâtre plus Francis Huster. Ça n’empêchera pas deux fillettes de naître, mais l’amour est aux abonnés absents.
Si le roman ne s’écrit pas, les mots trouvent un nouvel écrin : la pub. Bingo ! Seulement, on n’est pas dans du Beigbeder. On reste dans ses petites envergures : logements minables, vie de merde à juste travailler, quelques stagiaires à baiser. Si, une fois, une bouffeuse d’hommes, attachante et destructive comme le sida qu’elle attirera aussi.
C’est un livre de blues, rien ne va totalement, sauf la pub et le fric Mais ça ne fait pas le bonheur. Ça fait de sa femme une ex-femme : Monique devient Joy, sorte de pétasse de luxe qui claque tout. C’est un livre du nord où on a toujours envie de dire « ferme la porte », c’est plein de courants d’air froids, de plages grises et de sentiments qui cassent. Sauf qu’un jour, une fille assise sur la voiture…fin de la malédiction. Et voici le livre. L’écriture est incisive, le style est fringant, l’humour est sous les pavés, le charme opère. Ce récit est touchant, intime, sincère, bref attachant. S’il manque un peu de distance ou de poésie vis-à-vis de la publicité qui continue à le nourrir, le petit gars est enfin entré (encré) dans la cour des grands.

Grégoire Delacourt. L’écrivain de la famille,  JCLattès. 265 p. 17 euros. Sorti le 12 janvier 2011.

Texte ©dominiquecozette

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