Un monde de salauds souriants

Un Monde de salauds souriants est le premier roman de Thomas Rosier, quarante balais, ex-étudiant en sciences po et urbanisme et aujourd’hui charpentier. Ce roman prête la voix à trois personnages, chacun sa façon de parler (de morigéner, plutôt).
Lucas est un homme jeune de 27 ans, hikikomori, nom donné par les Japonais aux jeunes tétalisés par le monde actuel et qui, ne voulant pas en faire partie, s’enferment dans leur chambre. Lucas est nourri par sa mère  qui dépose ses repas devant sa porte car il refuse de lui parler, et est menacé de violence par son père qui n’admet pas son comportement et veut l’envoyer bosser à coups de pied oc’.
Mélanie est une nana tout ce qu’il a d’actuel et de vivant. Mais elle vient d’être larguée par sa meuf —  elle n’est d’ailleurs pas réellement lesbienne — puis, après de faux espoirs, virée d’un job qui la passionnait car emprunt de social. En fait, on fait sa connaissance un matin de gueule de bois absolue où elle se retrouve près d’un inconnu moustachu qui ronfle, qu’elle fuit en titubant. Comme tous les pochetrons, elle se promet d’arrêter la bibine sous peine d’avoir la gueule de Johnny à 35 ans. En même temps, sa mère meurt contre un platane et c’est d’une tristesse sans nom, surtout lorsqu’elle va apprendre ce qu’était la passion d’icelle, une passion totalement délétère.
Et il y a Michel, une sorte de gourou médecin qui, ayant déjà réussi à créer une belle entreprise de total soin de soi, veut aller plus loin, emprunter lourd pour comprendre et séduire le marché énorme des gens qui ne sont pas dans cible.
Contre toute attente, ce qu’on pourrait penser si on n’était pas dans un roman, ces trois-là vont se percuter pour le meilleur ou le pire, je ne dirai rien, dans une sorte de maelström très critique sur les dérives du capitalisme. Bien des questions se posent à nos protagonistes mais les réponses se font prier. Ça va se poursuivre dans un feu d’artifice de malversations, maladresses, humiliations, manigances, déceptions et/ou requinquage (?) d’une partie de ce beau monde rudement bien peint par ce nouveau venu dans une littérature qui manie les nouvelles technologies à bras le corps comme on tient un pinceau (et alors, j’ai pas le droit de faire des phrases idiotes, parfois ?). Un livre qui a du caractère et du clic à revendre.

Un monde de salauds souriants de Thomas Rosier, 2022 aux éditions Actes Sud. 236 pages. 20,50 €

*NB : La couverture présente un détail d’un tableau de Brueghel l’Ancien intitulé La Danse de la mariée en plein air (1556) dont une reproduction se trouve dans la chambre confinée de Lucas

Texte  © dominique cozette

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