L’étrange Amigorena

J’avais écrit un article (voir ici) en 2011 sur cet auteur, appâtée par les titres de ses bouquins autobiographiques. Beaucoup de choses m’avaient séduite sur ce que j’avais lu de Santiago Amigorena mais en fait ses livres n’ont pas vraiment rempli leurs promesses auprès de mon âme avide.
Je tombe sur le dernier, 1978, écrit en 2011,  où sont narrées ses souvenirs de lycée, lorsqu’il a débarqué à Paris, exilé politique et fort d’un bagage littéraire énorme. Mais l’histoire de cette année particulière est narrée, non par lui, mais par le premier garçon auquel il s’est adressé en classe et dont il est devenu ami, à l’intérieur de leur petite bande.
Amigorena est un type au physique éblouissant, très grand, à l’épaisse chevelure d’une blondeur flamboyante qui attire inévitablement les regards. Dans sa vraie vie de scénariste talentueux, il est (ou a été) l’époux de Julie Gayet et  le père de ses deux fils.(Pour les curieux)
De plus, il a un mental très original, d’une culture insensée et d’une forme d’esprit inattendue. Bref, un personnage à part dès sa jeunesse.
Le tordu, c’est d’avoir décalé la narration de sa biographie, de l’avoir fait raconter (et valoriser) par un autre, un mec  normal et même, d’après lui, aussi con qu’un autre avec, pour intérêts essentiels, les filles, le flipper et les joints. Rien que de très ordinaire donc. Mais là où je le trouve vicieux, l’auteur, c’est qu’il se donne le beau rôle. Tout est écrit à sa gloire, son attrait physique et ses performances intellectuelles. Franchement, il ne se mouche pas du coude.

Or, à la fin du livre, lorsqu’il est reparti vers d’autres cieux, j’apprends par son épilogue que tout ceci n’est qu’une fiction dans la fiction, à savoir que le vrai Santiago Amigorena a décidé d’écrire une sorte d’oeuvre unitaire où il prendrait pour sujet la vie d’un héros éponyme, de son enfance à ses derniers jours. Qu’en plus, 1978 n’a pas été écrit par lui mais par un faux Amigorena qui lui aurait envoyé le manuscrit. Très très chelou, cette mise en abyme…
Je suis donc allée sur le Web et ai trouvé cet excellent article où Amigorena explique lui-même la genèse de son travail. C’est ici.*
En dehors de ça, 1978 est écrit de façon très normale mais reste une lecture distrayante et amusante pour qui a envie de se souvenir de ses années lycée (mixte).
* Le prof de maths qui s’appelle Sarkozy, oui bon….

1978 de Santiago H. Amigorena. Editions P.O.L. 2011. 280 pages, 16 €

texte © dominique cozette

Une enfance laconique

Quand j’ai entendu parler de cet homme, Santiago H. Amigorena et du titre de ses trois premiers romans autobiographiques  : une enfance laconique, une jeunesse aphone, une adolescence taciturne, je n’ai eu de cesse de le lire. Je l’ai cherché partout, j’ai fait le tour du monde, de Venise à Java, de Manille à Ankor, plus prosaïquement de Grignan à Arles, de Montélimar à Valence puis, ultime espoir estival, à Sète. Rien, pas la queue d’un reste de stock. Septembre, Paris, la FNAC affiche zéro et d’autres librairies bien fournies itou. Jusqu’à ce qu’un employé modèle de chez Virgin me le commande en m’assurant qu’il serait en ma possession en moins de dix jours.
Des livres espérés comme ça, on s’en fait une montagne, on imagine un récit tout en grisaille, une confession glauque ou sournoise, un compte rendu-rendu morne ou morose. On le tient, l’auteur, qui nous tiendra lui aussi dans sa saga talentueusement misérabiliste !
Hé bien non. Rien à voir. Pas du tout. Le premier, l’enfance, raconte avec un indescriptible brio littéraire, trop même, la riche et longue généalogie de cette famille d’émigrés d’ici et de là, principalement installée en Amérique du Sud, avec des ramages conquérants ou pas, des faits d’armes ou rien, des modesties, des exils ou des déménagements. Puis l’auteur nous approche tant bien que mal de son enfance dont on ne saura presque rien puisqu’il ne veut pas se souvenir, en parler ou la réinventer. Bref, on se heurte à un mur d’incompréhension racontée avec des phrases et des mots inusuels, des tournures de phrases inusités, des sensations unisées. Il écrit pour ne plus écrire. Il use le mot, la langue pour ne plus s’en servir. Il a d’ailleurs été muet, mutique ou quelque chose comme ça, comme le petit gamin rouquemoute à taches de rousseurs de la pub d’antan qui n’a parlé qu’à 8 ans pour dire que le roquefort, c’était bon. car avant ça, il n’avait rien trouvé d’intéressant à dire.
En fait, comme il est dit en quatrième de couv’, c’est la vie d’un écrivain qui ne voulut jamais écrire, de la première à la dernière syllabe.
Mais S. Amigorena écrit toujours. Il écrit des films, des scénars, excellents, avec ou pour Klapisch notamment, Brigitte Roüan, Marion vernoux et il a réalisé aussi.
J’ai son troisième livre, une adolescence taciturne, au pied de mon lit. On verra ça plus tard.
C’est de la très bonne littérature mais, comment dire, pas distrayante du tout. Mais à part, à côté de la plaque connue, en marge.  Le contraire de Foenkinos. Je ne peux pas vous le conseiller d’autant plus qu’il est introuvable.  Je trouve qu’il fallait juste en parler. Dont acte…  gratuit.
(Pour l’adolescence, je vous tiens au jus)

Santiago H. Amigorena. Une enfance laconique 98. P.O.L. 184 pages.

Texte et dessin © dominique cozette

 

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