Quand j’ai entendu parler de cet homme, Santiago H. Amigorena et du titre de ses trois premiers romans autobiographiques : une enfance laconique, une jeunesse aphone, une adolescence taciturne, je n’ai eu de cesse de le lire. Je l’ai cherché partout, j’ai fait le tour du monde, de Venise à Java, de Manille à Ankor, plus prosaïquement de Grignan à Arles, de Montélimar à Valence puis, ultime espoir estival, à Sète. Rien, pas la queue d’un reste de stock. Septembre, Paris, la FNAC affiche zéro et d’autres librairies bien fournies itou. Jusqu’à ce qu’un employé modèle de chez Virgin me le commande en m’assurant qu’il serait en ma possession en moins de dix jours.
Des livres espérés comme ça, on s’en fait une montagne, on imagine un récit tout en grisaille, une confession glauque ou sournoise, un compte rendu-rendu morne ou morose. On le tient, l’auteur, qui nous tiendra lui aussi dans sa saga talentueusement misérabiliste !
Hé bien non. Rien à voir. Pas du tout. Le premier, l’enfance, raconte avec un indescriptible brio littéraire, trop même, la riche et longue généalogie de cette famille d’émigrés d’ici et de là, principalement installée en Amérique du Sud, avec des ramages conquérants ou pas, des faits d’armes ou rien, des modesties, des exils ou des déménagements. Puis l’auteur nous approche tant bien que mal de son enfance dont on ne saura presque rien puisqu’il ne veut pas se souvenir, en parler ou la réinventer. Bref, on se heurte à un mur d’incompréhension racontée avec des phrases et des mots inusuels, des tournures de phrases inusités, des sensations unisées. Il écrit pour ne plus écrire. Il use le mot, la langue pour ne plus s’en servir. Il a d’ailleurs été muet, mutique ou quelque chose comme ça, comme le petit gamin rouquemoute à taches de rousseurs de la pub d’antan qui n’a parlé qu’à 8 ans pour dire que le roquefort, c’était bon. car avant ça, il n’avait rien trouvé d’intéressant à dire.
En fait, comme il est dit en quatrième de couv’, c’est la vie d’un écrivain qui ne voulut jamais écrire, de la première à la dernière syllabe.
Mais S. Amigorena écrit toujours. Il écrit des films, des scénars, excellents, avec ou pour Klapisch notamment, Brigitte Roüan, Marion vernoux et il a réalisé aussi.
J’ai son troisième livre, une adolescence taciturne, au pied de mon lit. On verra ça plus tard.
C’est de la très bonne littérature mais, comment dire, pas distrayante du tout. Mais à part, à côté de la plaque connue, en marge. Le contraire de Foenkinos. Je ne peux pas vous le conseiller d’autant plus qu’il est introuvable. Je trouve qu’il fallait juste en parler. Dont acte… gratuit.
(Pour l’adolescence, je vous tiens au jus)
Santiago H. Amigorena. Une enfance laconique 98. P.O.L. 184 pages.
Texte et dessin © dominique cozette