Iain Levison, né en Ecosse mais vivant aux Etats-Unis m’a souvent régalée avec ses petits romans acerbes, drôles et quand même très critiques sur le rêve américain. Le dernier, Un Voisin trop discret, est un régal. Il n’est pas très épais mais les situations mises en scènes sont denses, explicatives et parfois cocasses. Il m’apprend des tas de choses au sujet des militaires qui œuvrent en Afghanistan, comment ils sont gradés, pourquoi il vaut mieux être marié et avoir un enfant pour monter en grade si telle est l’ambition de l’impétrant. Comment aussi une femme de soldat devine que son mari a été tué en service. Ce que j’aime beaucoup, c’est que cet auteur décrit aussi le point de vue des femmes. Bon venons-en au fait.
Il y a plusieurs héros principaux, a priori très loin les uns des autres, mais qui vont finir par se rencontrer de façon assez violente, inattendue et surtout cocasse. Le premier en scène est un homme très secret de soixante ans qui conduit un Uber, qui ne reçoit jamais personne chez lui, qui veut qu’on lui foute la paix. Problème numéro un : les foutues appréciations des clients. Parfois, à cause d’un pet de travers, il se retrouve dans la merde. Problème numéro deux : sa voisine, mexicaine peut-être, qui a laissé ses clés à l’intérieur et lui demande de l’aide. Une jeune femme avec un enfant dont le mari est en mission mais dont elle craint, à raison, le retour prochain.
Puis une jeune femme qui revoit un de ses amis de classe dans un bar. Elle est mère célibataire d’un môme de quatre ans affligé d’une malformation interne, or les soins, aux Etats-Unis, coûtent excessivement cher. Mais voilà-t-il pas que son ami, qui est gay, lui propose le mariage. Avantage pour lui : il pourra monter en grade plus facilement. Pour elle : un train de vie très attrayant avec prise en charge de tous les problèmes de santé du gosse. Tope-là, marché conclu. (Et ne croyez pas que c’est cousu de fil blanc et que le « mari » va devenir hétéro. Non, pas de ça ici !). La rencontre entre les deux maris, militaires, va produire des situations particulières, jusqu’au tragique.
C’est extrêmement bien construit. Outre une histoire pas banale, on y trouve les thèmes de nos tracasseries actuelles comme, je l’ai dit, les notations à tout va, mais aussi la gêne pour parler aux gens (ou des gens) sans les froisser car aujourd’hui, le plus petit mot peut ressembler à un crachat.
Quant à la fin, elle est jouissive. Le côté psy des héros s’y développe de façon logique mais complètement à côté de la plaque. Très fort ! Un régal, je vous dis.
Un voisin trop discret de Iain Levison. (Parallax, le titre original) traduit par Conchita Gonzales Batlle. 2021. Aux éditions Lana Léni. 220 pages, 19 euros.
Texte © dominique cozette