Une drôle de façon de parler du négus

Turco. Voici un livre follement drôle et attachant de Sylvain Chantal, un type super sympa qui vit sur une pénichette sans aucun confort, sur l’Erdre, à Nantes. Quelques temps avant de mourir, vla-ty pas que sa grand-mère lui apprend que son oncle à elle, donc le grand-oncle de l’auteur, était le chauffeur de Hailé Selassié. Vous n’êtes pas sans savoir qu’il s’agit du négus, le roi des rois, empereur d’Ethiopie qui fut considéré par les rastafari jamaïcains comme le messie envoyé de Dieu .
Cette nouvelle est fantastique pour le petit-fils qui ne connaissait rien à cette partie de la famille de sa grand-mère qu’il visitait souvent. Notre auteur, devant le rôti-patates de mémé, n’en revient pas et, après quelques clics sur Internet, il retrouve le fil de cette lignée dont le fameux « chauffeur » (en fait bien plus important que ça puisqu’il sera nommé chef de la garde impériale de Sélassié) Francesco de Martini.
De fil en aiguille, il va faire la connaissance de plusieurs personnes de la famille de mémé, au Liban, puis à Rome où son cousin Antonio de Martini le reçoit avec un faste complice et lui confie beaucoup de documents, dont les photos de quatrième de couv qui confirment son récit. C’est bien lui, ce grand-oncle, qui a sauvé le négus d’un coup d’état en défonçant avec son char la barrière de la résidence impériale pour l’embarquer loin des tracas.
Néanmoins, Turco n’est pas un manuel historique, ni un biopic . Bien sûr, Sylvain Chantal y relate tout ce qu’il sait sur ce grand-oncle farfelu, espion, aventurier pour le moins, et qui a longtemps côtoyé Sélassié mais il y glisse d’abondantes anecdotes sur sa famille, ses rencontres, sa grand-mère, son ex, ses essais infructueux sur Tinder pour un hypothétique câlin, ses misères, et toutes sortes de gags qu’il subit dans son petit logement fluvial.
Les jeux de mots abondent, les détails de la vie courante ne nous sont pas épargnés et la franche rigolade nous guette dès les premières pages. Juste une petite citation : » […] tonton se trouve Grande-Giovani come di Fronte, que je traduirais approximativement par Gros-Jean comme devant. J’ai tapé Grande-Giovani come di Fronte en italique; je ne sais pas si à Rome ils l’auraient écrit de la sorte, mais à Pise, c’est certain. » Moi, cet humour m’éclate. Bref, un livre qui déridera les plus ronchons d’entre vous.

Turco de Sylvain Chantal. 2022 au Dilettante. 220 pages, 18 €.

Texte © dominique cozette

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