Si vous avez aimé Si on parlait de Kevin, le livre (qui était encore mieux que le film), ne vous privez pas du plaisir d’un autre livre de Lionel Shriver qui, comme son prénom ne l’indique pas, est une femme. Affublé d’un titre d’une banalité affligeante Tout ça pour quoi (titre anglais So much for that), il est tout aussi passionnant que Kevin tant les détails de la vie américaine foisonnent. On s’y croit, on y croit, c’est impressionnant. Ici, il s’agit de l’histoire assez dure de deux couples new-yorkais maltraités par la vie malgré leur niveau socio-culturel élevé.
Le mari du premier couple, Shep, avait créé une entreprise qu’il a revendue à un type horrible qui le harcèle, car il y est resté comme salarié. Il a un rêve qu’il s’apprête à réaliser, partir dans une île de rêve où les choses ont encore de la valeur, où on les répare, où la consommation est restée frugale. Mais le jour où il offre les billets allers simples à sa femme, une femme extraordinaire qu’il adore, celle-ci lui annonce qu’elle soufre d’un cancer très rare et non guérissable.
Interviennent à partir d’ici tous les détails de la vie en Amérique où les soins sont horriblement coûteux, où les assurances ne couvrent rien, où la scolarité des enfants est hors de prix, et à côté desquels je me dis très heureuse de vivre en France où on est très bien soigné en cas de coup dur. Donc, forcément, ses économies vont fondre pour une maladie qui ne se soigne pas. Son fils ado va disparaître la plupart du temps dans sa chambre, sa fille ne rend jamais visite pour ne pas voir la déchéance de sa mère, sa sœur, d’un égoïsme forcené, l’oblige à tout payer pour elle et contraint leur père à aller en maison de retraite pour lui piquer sa maison…
Le second couple n’est pas mieux : ils ne s’entendent plus très bien et le mari, en cachette, décide d’augmenter son pénis. Mais l’opération foire et il en découle de terribles conséquences. Leur fille aînée, 16 ans, est atteinte d’une maladie dégénérative très vorace en soins divers et leur autre fille devient obèse par réaction.
C’est un gros pavé palpitant qui nous fait entrer dans les affres de ce fichu rêve américain qui relève plutôt du cauchemar et nous entraîne très loin dans la dissection d’une société où l’argent est la seule valeur. Combien vaut une vie, s’interroge le héros à longueur de temps.
Tout ça pour quoi de Lionel Shriver 2010. Traduit par Michèle Lévy-Bram pour les éditions Belfond, 2012. 530 pages. 23 €.
NB : J’avais aussi fortement aimé son autre roman de 2014 sur l’obésité : Big Brother (article ici)
Texte © dominique cozette