Après avoir fait un malheur avec Petit Pays, l’auteur-compositeur-interprète Gaël Faye nous régale avec Jacaranda, son deuxième roman tout aussi passionnant, couronné par le prix Renaudot.
Comme vous le savez peut-être, Gaël Faye est fils d’une Rwandaise et d’un Français, c’est un métis, ce qui a de l’importance dans ce livre où il est considéré comme un petit blanc lorsqu’il est au Rwanda. Difficile de s’intégrer. D’autant plus qu’il est né en France où sa mère s’est réfugiée en 1973, quand sévissaient déjà de sordides émeutes entre les différentes populations.
L’histoire commence lorsque Milan a douze ans, il est en sixième, il ne connaît rien de ses origines car sa mère n’en parle jamais, mais là, en 1994, le génocide explose dans tous les médias et le gamin, malgré toutes ses questions, n’aura aucune réponse concernant son pays d’origine, la vie de sa mère et même sa famille restée là-bas .
Arrive alors chez eux, sans qu’il y soit préparé, Claude, un gamin, il a le même âge mais est tout petit, il porte un gros pansement sur le crâne, il est effrayé et n’arrête pas de pleurer. Milan le prend sous son aile, il est trop heureux d’avoir comme un petit frère dont il faut s’occuper attentivement, d’autant plus qu’il ne parle que sa langue. Mais un autre jour, toujours sans qu’on l’ait prévenu, Claude n’est plus là. La mère dit qu’il a dû rentrer au pays pour être auprès de sa famille. Sans autre explication. Milan est dévasté.
Puis les parents divorcent. Milan a alors seize ans et sa mère a décidé d’aller enfin au Rwanda avec lui visiter sa famille (dont elle se garde bien de parler). Sur place, Milan revoit Claude qui est devenu jeune homme, plutôt bien dans sa peau et qui parle français. Comme la mère est partie voir sa grand-mère et son arrière grand-mère pendant toutes les vacances, Milan vit assez librement avec trois lascars qui boivent de la bière, stockent des disques et des livres au « Palais », endroit où l’un d’eux, Sartre, recueillait les orphelins. Ce lieu est toujours très vivant, plein de jeunes qui aiment faire la fête et s’enivrer. Milan commence a tisser des liens forts avec toutes ses rencontres et la tante chez qui il dort. Elle vient d’avoir un bébé, une petite fille qui aura de l’importance dans sa vie.
L’histoire nous entraîne dans la suite de la vie de Milan qui devient un homme. On commence à apprendre en même temps que lui l’histoire du pays colonisé, la cause des massacres, et la difficulté de vivre pour ses habitants, tueurs, victimes ou rescapés, condamnés à se réconcilier dans une paix de façade. Quatre générations joueront un rôle dans la construction mentale de la mythologie de notre héros.
Dès de début on s’attache aux personnages, sauf à la mère qui reste fermée pratiquement jusqu’au bout. On se réjouit des liens entre Milan et les jeunes Rwandais mais on se remémore forcément la terrible cruauté des tueries passées.
Au fait, le jacaranda est un arbre puissant, flamboyant, qui tient une belle place dans cette histoire.
Jacaranda de Gaël Faye, 2024, aux éditions Grasset, 228 pages, 20,90 €
Texte © dominique cozette