Petit pays : à visiter absolument

Vous avez dit Stromae ? Perdu ! Ce chanteur auteur compositeur belge métis, filiforme, au sourire doux,  né dans un pays où a sévi la guerre Hutu-Tutsi s’appelle Gaël Faye. Ils se ressemblent pas mal et je suppose que ça doit l’agacer quand on lui en rebat les oreilles. Mais il n’est pas censé lire mon blog donc pas d’offense.
Gaël Faye est un sacré talent de plume ! Quel est ce petit pays qu’il nous narre du haut de son enfance ? Ce n’est pas le Rwanda, il s’agit du Burundi, pays voisin, à l’ambiance jadis si croustillante, si charmeuse, si édénique. Un petit paradis lorsque Gaby avait 10-12 ans, un père bougon mais gentil, petit blanc qui n’avait jamais vécu en France, une mère rwandaise canon, splendide, superbe qui ne rêvait que de ça : la France.
Il nous fait revivre les doux moments d’innocence parmi les senteurs de la flore, les bains dans le lac, les vols de mangue, les pluies tropicales, la complicité avec les boys, les lettres parfumées d’une petite correspondante française. Les Hutu, les Tutsi, il ne comprend pas, son père interdit la politique à la maison, il leur explique, à lui et Ana la petite sœur, que ceux qui sont petits avec un gros nez sont des Hutu et les grands maigres avec le nez fin sont des Tutsi. Il ne faut pas avoir fait un doctorat de génétique pour comprendre que la dichotomie est grossière. Ça n’empêche pas le môme de jouer avec ses potes dans le vieux camion VW abandonné, d’y planquer leurs trésors, d’y défier leurs ennemis, quoi que notre héros n’en ait point, il est pour la paix et déteste la violence. Hélas.
Le roman est bien construit car il nous laisse beaucoup de temps pour s’acclimater avec plaisir à ce petit pays pittoresque et à ses habitants avant que ne s’ouvrent réellement les violences, avant l’explosion de l’avion des présidents des deux pays, avant l’appel à la vengeance des Tutsi sur les Hutu. Et le massacre commence, loin de lui, pas au Burundi, pas encore. Sa mère se sépare de son père et va rejoindre sa famille au Rwanda. Ce sont des familles qui s’aiment fort, ça compte là-bas. Et peu à peu, le cauchemar va s’installer d’un côté comme de l’autre, chez ceux qui sont partis et ceux qui sont restés, machettes et kalach vont semer la terreur jusque dans les maison. Nul n’est à l’abri, surtout pas Gaby auquel le chef de gang — dont il n’a  jamais voulu faire partie, préférant se plonger dans les livres que lui prête une vieille amie — demande de prendre parti pour la cause ultime : l’exécution de l’ennemi. La mise à mort de son enfance. Puis le départ pour la France.
N’empêche, ce livre est une ode à l’Afrique avec toutes les petites choses qu’en en connaît et qui font son charme : la chaleur, la sensualité, la bière, la pauvreté joyeuse, les rites, les élections, les recettes de cuisine, les colons etc. dans la dernière partie, nous sommes confrontés à l’horreur totale, celle qu’on ne peut pas gommer, qui mène sa mère à la folie.
Ce livre est une petite merveille déjà lauréat du prix du roman FNAC.

Petit Pays par Gaël Faye chez Grasset. 2016. 218 pages, 18 €.

Texte © dominique cozette

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