Il avait tellement envie d’être dehors, de voir ce qui se passait, quels étaient tous ces sons, toutes ces lueurs, d’où provenaient ces goûts somptueux qui lui parvenaient dans le tube à manger, qu’il entreprit sa descente vers le bout du tunnel. Mais qui vit-il au bout du tunnel ? La face hostile du dieu-médecin qui tonna :
– Que fais-tu là, têtard, si tôt ? Qu’est-ce que tu crois ? Que tu vas survivre avec tes pauvres petits organes minables ?
Le têtard tordit son nez comme s’il allait pleurer.
– Bon, écoute, tu choisis : ou tu sors maintenant et tu te retrouves dans une boîte en plastique, tout seul, tuyauté de partout, le nez, la gorge, les bras, le nombril et une inquiétante machinerie autour de toi. Ou tu remontes, tu grandis encore et tu nous reviens dans trois mois.
Le têtard souleva un sourcil d’étonnement.
– Parce que dans trois mois, la plus merveilleuse femme au monde te cueillera dans ses bras, t’offrira ses seins juteux, t’embrassera les joues et les fesses. Elle sera tout à toi, rien qu’à toi, te chantera des romances, te montrera partout avec une immense et tendre fierté : tu seras son roi.
Il n’y avait, effectivement, pas à balancer. Le têtard prit ses jambes à son cou pour gravir le col de l’utérus et se réinstalla confortablement dans son nid douillet. C’est vrai qu’il était bien là, royal au bar, tout compris. Et puis, c’était bien de se faire désirer, non ?
Texte et photo © dominiquecozette