L’Ambition ? Parlons-en !

L’Ambition, de Iegor Gran, est un livre étrange et pénétrant dans le sens où il ironise sur les travers des gens — principalement — de Paris et de la proche banlieue. Des caricatures de caricatures qui commencent par le héros, José, pauvre hère dont la seule ambition — au début — est de devenir le Mark Zuckerberg planétaire de la fève, celle qu’on trouve dans la galette. Il bricole aussi dans une improbable boutique  les disques durs endommagés sans en connaître le fonctionnement. Sa copine de dix mois le plante là car, vraiment, quel manque de grandeur ! Elle même grouillote dans une galerie d’art contemporain forcément chicos dont la proprio court le globe à la chasse au futur Man Ray.
Pour payer son demi-loyer, José subtilise un message destiné à son brillant coloc pour des cours de maths à domicile. Il est aussi nul que le cancre mais sait parler aux parents, leur confirme que leur enfant est intelligent et plein d’avenir. Le gosse deale avec lui, lui extorquant une part du fric :  chacun y gagne. Du coup, son petit auto-entreprenariat d’incompétence s’étend par le miracle du bouche à oreille et le voilà tentant de comprendre le début de la promesse de l’aube pour la régurgiter à la jeune élève qui s’en bat les choses.
Pendant ce temps, son ex se fait humilier par un riche collectionneur qui lui fait de l’oeil mais ne prend même pas la peine de l’empapouter tellement il connaît d’avance l’histoire, plus la fâcheuse tendance de la fille à devenir plus tard une sorte de bobonne ordinaire.
L’Ambition, c’est aussi celle d’un lointain ancêtre de José, un néandertalien qui va de temps en temps prêter son sgug (sic) à une femme des Nez Ecrasés, ce qui provoque une crise de ménage dans sa tribu qui le chasse. Peu importe, il adore l’aventure !
Et aussi l’Ambition d’un écrivain raté qui cherche l’inspiration dans les mails, les fêtes de djeun’s et dans le coin de son café germano-pratin.
Ça semble un peu décousu comme ça. Ça l’est. L’important est de s’amuser avec la galerie de portraits qu’il décrit d’une plume très spirituelle. C’est bourré de petites fleurs à cueillir dans cette steppe où le râteau de l’homme n’a jamais mis les pieds.
Une phrase au hasard : « Pendant qu’elle remplissait la paperasserie, Cécile sentit le regard du client comme un petit fer à repasser tiède, circulant le long de sa silhouette. Ce n’était pas désagréable. On ne la déshabillait pas, non, on l’admirait. »

Iegor Gran. L’Ambition, roman aux éditions P.O.L. 2013. 212 pages, 16,50€…

Pour relire mon article sur l’écologie en bas de chez moi, sacré truc, par cet auteur border line !

Texte © dominique cozette

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