Le nouveau Karine Tuil, waouh…

Les derniers romains de Karine Tuil, L’Insouciance et L’Invention de nos vies, m’ont secouée à un point tel que je me suis ruée sur celui-ci,  les Choses humaines. Ses titres sont toujours assez vagues, va savoir de quoi ça parle. Le point commun c’est que ce dont ça parle est extrêmement documenté, on s’y croit et on en apprend beaucoup. Ici, il s’agit d’une histoire de viol, ou pas, qui va déchirer la vie de plusieurs personnes dont la réussite n’était plus à faire. Le puissant Jean Farel, venu de rien et étant le journaliste politique le plus aimé, le plus coté, a eu un fils adoré mais qu’il n’a pas très bien traité, avec une femme plus jeune, Claire, essayiste féministe. Leur couple marche bien parce que chacun y mène sa vie à sa guise. Jean en aime une autre depuis longtemps ce qui n’empêche pas des aventures avec les jeunes et jolies, et Claire s’en fiche, jusqu’à ce qu’elle tombe en amour avec un prof au chômage, juif, marié à une juive extrêmement rigoureuse qui élève leurs deux filles selon des principes hyper stricts. L’amour physique et l’attirance fait que Claire et Adam quittent leurs conjoints pour vivre ensemble. Le grand fils de Claire et Jean, Alexandre, fait de très brillantes études à la prestigieuse université de Stanford, Californie, il est promis à un avenir incroyable.
Mais un soir, Mila la juive pudique et Alexandre venu à Paris pour assister à la remise de la Légion d’Honneur de son père, sont plus ou moins obligés de se rendre ensemble à une grande fête estudiantine snob de fils et filles de… , un milieu que Mila ignore. Une sorte de bizutage a lieu et Alexandre y prend part, un peu contre son gré, pour faire comme tout le monde. L’épreuve, une relation sexuelle avec retour de la petite culotte, se fera sur Mila qu’il aura incitée à boire et à fumer… Tandis qu’ailleurs, le père, grisé, se sera laissé aller à coucher avec sa très jeune stagiaire, grande fan de lui,  qui disparaît ensuite.
Au matin, la police a envahi l’appartement de Jean pour une perquisition. Mais qui a violé qui ? Et y a-t-il eu vraiment viol ? Tout le corps du livre est consacré à la recherche de la vérité sous forme d’interrogatoires très précis, très dérangeants, nous emmenant jusqu’au procès deux ans plus tard. Les protagonistes de cette histoire sont essorés, leurs carrières menacées ou liquidées, leurs amours saccagées… C’est vertigineux, addictif, violent. Tout le monde n’est ni tout blanc ni tout noir, on en arrive à se poser la question : qu’est-ce réellement qu’un viol, précisément, chacun des deux contributeurs exposant sa version qui n’est évidemment pas celle de l’autre, et si les deux sont de bonne fois, existe-t-il réellement un coupable et une  victime, les nuances de gris ne sont pas assez nettes pour en définir les contours.
Livre palpitant et qui interroge sur les relations sexuelles, la frontière entre ce qu’on peut et ce qu’on ne doit pas faire, la responsabilité de ce qu’on nomme aujourd’hui la culture du viol où l’homme se doit (se devait) d’être un conquérant fier et viril. Passionnant.
Ici, Karine Tuil parle de son livre.

Les Choses humaines par Karine Tuil, 2019 aux éditions Gallimard. 346 pages, 21 €

Texte © dominique cozette

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