Un livre pour les survivalistes

Marlen Haushofer (1920-1970), écrivaine autrichienne de la petite bourgeoisie provinciale, a publié Le mur invisible en 1968, un classique de la littérature autrichienne devenu, paraît-il, la bible éco-féministe. Ce n’est pas forcément le bon moment pour le lire ce roman qui y conte l’histoire d’une femme seule prisonnière d’une nature où un mur l’a confinée. Quoi que. Que s’est-il passé ? Elle ne sait pas, ni nous. Elle était tranquillement chez des amis dans leur maison de vacances à la montagne. Ils sont allés au village voisin faire des courses et elle est restée seule avec le chien. Mais comme ils ne sont jamais rentrés, elle est partie, à pied avec le chien, à leur recherche. Et là, ils se sont fracassé le nez contre un mur invisible. Un truc d’une matière qui n’existe pas, comme du verre, mais immatériel. En longeant ce mur, elle a vu que tous les êtres derrière lui étaient pétrifiés dans une position habituelle : fermier assis sur une chaise, vaches broutant…
A partir de là, sûre qu’il n’y a plus un survivant sur terre, l’héroïne va entreprendre une nouvelle vie, envahie de solitude, loin de tout car il n’y a aucun moyen de communiquer dans ce chalet d’été, à part la radio de la vieille voiture qui ne produit que des crachouillis. Heureusement, le chien est là, qui va devenir son partenaire, son confident, le gardien de ses nuits. Puis une chatte qui se réfugie chez elle, qui lui donnera un petit, puis un autre, suite à ses cavales dans la nature. Puis une vache rescapée qui meugle pour qu’on la traie. Des charges énormes tout ça, mais aussi des complices. La vache leur donne son lait, de son côté, elle apprend comment s’en occuper d’autant qu’il faudra l’aider à vêler. Un petit taureau complètera la famille mais avec le temps, cela compliquera beaucoup les choses. Elle en perdra aussi…
Nous suivons cette survie sur deux années où l’héroïne ne compte pas sa peine, gère les maigres ressources du chalet, fait des stocks de bois, scie, cultive quelques denrées, mène la vache et son petit à l’alpage, répare, tue du gibier, se prive, tombe malade, affronte le terrible foehn, de violents orages, de rudes hivers…
C’est très bien écrit car vous pensez bien que ça pourrait être ennuyeux ! Et si ce livre a pour vertu de nous évader lorsque nous souffrons d’un excès de populo, il fait moins le job lorsque nous subissons un confinement forcé. A moins de vouloir s’isoler d’une famille devenue envahissante et ingérable !
Pour la petite histoire, ce livre a explosé les ventes il y a un an grâce au blog d’une instagrameuse : une sacrée histoire à lire ici.

Le mur invisible de Marlen Haushofer aux éditions Babel Actes Sud. 350 p.

Texte © dominique cozette

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