Bien sûr que ce n’est pas drôle pour un père de n’avoir que des filles, même si elles sont adorables comme nous trois (!!!). Comme je vous l’ai dit, le p’tit gars n’a pas fait ses neuf mois, il est sorti avant, donc nous voilà les trois guenons comme nous aimions à nous appeler ou encore les gueuses, livrées à nos jeux de filles dans notre magnifique jardin de Joinville le Pont, appuyées contre la fenêtre du sous-sol où se trouvait la machine à laver semi-automatique (Sibir ou Connor, je ne sais plus) dans laquelle maman chauffait l’eau pour notre bain. Ce n’était pas tous les jours, non. Quant aux cheveux, à cette époque, ils n’étaient pas non plus lavés très souvent. D’ailleurs, les gens sentaient le cheveu si vous vous souvenez, les cheveux étaient souvent très très gras, pas besoin de brillantine pour les hommes, et parsemés de pelloches. Beurk. C’était dans les années 50, les fameuses glorieuses, hum.
Mon père travaillait aux Contributions Directes et ma mère dans un cabinet immobilier, dans le Sentier. Elle avait forcément demandé l’agrément de son époux car elle n’avait droit à rien sans son aval, ni même de chéquier, cela viendra en 1965. C’est peut-être en rétorsion qu’elle n’a jamais payé ses contredanses quand elle a eu sa voiture. Mon père avait une 4CV Renault, la seule petite auto qu’il conduira avant de passer aux grands modèles qui, comme chacun sait, ne servent jamais à transporter les enfants à l’école, mais juste la serviette et le parapluie du chef de famille. Prestige. Et faut que ça brille, les chromes !
J’étais la fille du milieu. Ce qui est loin d’être confortable. Car au moment des corvées ménagères, c’était souvent : Les deux grandes, venez mettre le couvert ! Les deux petites, venez essuyer les verres ! Les deux grandes, aidez à passer la paille de fer ! etc… Ah oui, la paille de fer, un des nombreux loisirs du week-end car dans ces temps bénis, les parquets de chêne, dont notre living-room était équipé (le seul luxe de cette maison), n’étant pas traité, tout tachait. Avec trois gosses sales comme des cochons, vous pensez bien que taches de graisse ou de confiture décoraient joliment notre intérieur. Une fois nettoyé, le parquet était nu, il fallait donc le cirer (huuum, la bonne odeur d’encaustique), laisser sécher puis faire briller le tout avec un chiffon sec sur lequel on glissait et … le balai O’Cedar. On avait de l’huile de coude et de genou à revendre, je ne vous dis que ça !
(Comme vous pouvez le voir sur la photo, ma petite sœur avait déjà anticipé l’arrivée du smartphone !)
(Comme vous pouvez aussi le constater, ma grande sœur et moi-même avions revêtu les astucieux robes-tabliers, des deux-en-un si utiles pour aller en classe à l’école de filles de la rue Oudinot*).
- Maréchal de France truffé de blessures de guerre mais mort dans son lit. Qui s’en souvient ?
Texte et image © dominique cozette