Par amour, un livre passionnant

Je n’avais encore rien lu encore de Valérie Tong Cuong, je ne sais pas pourquoi, ça ne me faisait pas envie. Les titres, les illustrations de couverture, je ne sais pas. Et voilà qu’une amie (merci l’amie) me prête Par amour, m’en vante l’écriture avec un tel enthousiasme que je m’y suis mise. Hé bien ce livre est formidable. Passionnant. Le titre, bon, pas terrible, le genre qu’on oublie après quand on veut l’évoquer. Mais le récit !
Originaire du Havre, Valérie Tong Cuong a compris pourquoi ses grands-parents n’ont jamais parlé de la guerre atroce qu’ils ont subie de 40 à 45 : la ville étant occupée par les « Boches », il se trouve que les Alliés, les Anglais, l’ont pilonnée avec une ardeur incessante, à un rythme insoutenable, tuant évidemment de très nombreux civils et détruisant tout. Ce ne sont pas des choses que les survivants aimaient évoquer, encore moins partager.
Cette mise en garde pour comprendre l’histoire de ces deux familles que l’on va suivre pendant six ans, dans leur vie quotidienne sous l’occupation. Les deux couples sont liés par les deux sœurs, Emélie et Muguette, mariées l’une avec Joffre et l’autre avec Louis dont on ne sait pas s’il est mort, prisonnier ou disparu (on en saura un peu plus à la fin). Les deux couples ont deux enfants, garçon et fille, qui s’entendent très bien. Joffre est en mission le jour où il faut tout quitter, embarquer les enfants, prendre le minimum pour fuir les Boches au plus vite. Ils rejoignent la foule qui commence son exode, il leur faut déjà passer le bac pour rejoindre la zone libre. Malgré les morts, ils font preuve de courage pour aller de l’avant. Puis ensuite, on les fait revenir et la vie va s’organiser sous la houlette de l’occupant.
Le couple Emélie-Joffre est concierge de l’école occupée; grâce à cela, ils ont un peu de charbon. Mais c’est la dèche, il n’y a rien à manger, les bombardements  détruisent peu à peu la ville, et Muguette, la sœur, qui vendait des habits au Printemps, perd son emploi suite au bombardement du magasin. Néanmoins, elle ne veut pas quitter son appartement, troué de partout, où elle va attraper une sale maladie. Tout se dégrade, aussi bien l’amour que se portait le couple Emélie-Joffre que l’attention aux enfants. Les mois passent sans que la situation se redresse, bien au contraire, car à côté de ceux qui font confiance au Maréchal, il y a les autres, ceux qui veulent résister. Mais se cachent pour seulement y penser.
La santé de Muguette se dégradant dramatiquement, on réussit à faire partir ses enfants dans des familles d’Alger, loin de la guerre, au soleil. Muguette, qui ne s’est pas soignée à temps, va rentrer au sana avec peu d’espoir de guérison.
Il y a énormément de détails de la vie qu’ils endurent  pendant cette guerre et, pour rendre ce récit plus vivant, Valérie Tong Cuong a fait parler chaque personnage dans des chapitres dédiés. Ainsi, plusieurs points de vue, non seulement sur la guerre mais aussi sur les  petits moments intimes des familles, se complètent. Quelques secrets se lèvent.
A la fin de l’ouvrage, au vu de la liste de documents et de témoignages utilisés pour la rédaction — très fluide —  du livre, on comprend qu’il soit autant imprégné de l’atmosphère de l’époque avec ses odeurs, ses bruits, ses chansons, ses petits trucs pour supporter l’infâmie de cette interminable épreuve.
Je le redis : c’est un livre formidable, admirablement écrit et plein de suspens. Passionnant.

Par amour de Valérie Tong Cuong, 2017 chez JC Lattès puis dans le Livre de Poche. 380 pages.

Texte © dominique cozette

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