Fabcaro s'écrivanise

Si vous ne connaissez pas Fabcaro, humoriste BD, précipitez-vous sur Zaï Zaï Zaï Zaï, ou Amour, passion et CX diesel écrit à trois (voir lien ici) et quelques autres à tomber de rire. De son vrai nom Fabrice Caro, beau mec sympa que j’ai croisé à une convention et qui m’a fait un beau dessin, il a écrit un premier roman en 2006 que je ne connais pas, mais viens de sortir celui-ci, Le discours, un chef-d’œuvre d’humour modeste, un humour feutré qui avance à pas de chat et fait rire intérieurement.
Son héros Adrien est un loser, un vrai, quadra, qui rate tout et ne la ramène pas. Ça se passe chez ses parents pour un dîner familial sans surprise, avec sa sœur et son futur beau-frère, sosie de Jean Ferrat, qui lui demande … un beau discours pour le mariage ! Lui timide, introverti, sans audace, un discours ! Comment convaincre le beauf que c’est une très mauvaise idée ? Comment déjà aller jusqu’au bout de ce dîner ordinaire avec gratin dauphinois et dessert convenu alors qu’on vient d’envoyer à son ex un message  et qu’on n’ose pas regarder si réponse il y a. Alors qu’on a absolument besoin d’une clope, objet tabou dans cet appartement où rien ne change, où le porte-torchons fabriqué à l’école pour la fête des mères, en contreplaqué, s’est mué au fil des retouches en espèce de bite indécente que personne ne voit, que sa chambre d’ado est restée telle quelle. Et que sa mère tente de savoir si une fille se profile dans la vie de ce fils sans ambition…
Tout au long du repas interminable, il va élaborer mentalement des discours tous plus tordus les uns que les autres avec la même conclusion : non, ce n’est pas possible. Et se remémorer les soirées loupées où ses déguisements n’allaient jamais, où ses maladresses engendraient un tas de petits problèmes, où un guitareux lui a piqué sa nana sous le nez…
Comme dans sa page des Inrocks où, avec un dessin reproduit plusieurs fois presque à l’identique, il fait dialoguer ses personnages de façon totalement absurde, il nous amuse avec les terribles petits problèmes ordinaires d’une vie sans relief mais pas sans humour.
Le discours de Fabrice Caro. 2018 chez Gallimard, collection Sygne. 200 pages, 16 €.

Texte © dominique cozette

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