Tu t’appelais Maria Schneider n’est pas la biographie à proprement parler de cette merveilleuse actrice à visage d’angelot et corps de diablesse, c’est ce dont se souvient Vanessa Schneider, sa cousine, ses apparitions, ses rencontres, ce qu’en dit la famille, ce qu’elle en sait. Elle n’est pas allée farfouiller sur Internet, ou peut-être, mais elle a surtout interrogé ses propres archives, les bouts de journaux découpés, des pages de magazines arrachées, un amas de photos, des dessins etc. très précieusement gardés. Vanessa était une petite fille, pas naïve puisque chez ses parents – famille de foldingues avec une rigueur issue d’une grande bourgeoisie tombée dans le hippy – on disait tout, rien n’était caché aux enfants. Donc forcément, les histoires de drogues, de manque. Maria fut recueillie chez eux car sa mère, mal-aimante et brindezingue, l’avait fichue dehors, à l’âge de quinze, là où tout se forme ou se déforme. Tout le monde sait que le père de Maria était le séduisant Daniel Gélin, papillon de la nuit, amateur de femmes et d’ivresses jusqu’à la dope aussi. C’est pas qu’il reniait la belle enfant, c’est que la loi interdisait aux hommes mariés de reconnaître les enfants adultérins, comme on disait. Mais très vite, il l’a emmenée chez Castel où, jusqu’au bout de la nuit, ils faisaient les fous. Pas d’école le lendemain, bien sûr.
Ce livre est impressionniste, un puzzle d’émotions et de bulles du passé qui remontent en produisant parfois d’indigestes vapeurs. On sait moins que les deux plus grosses stars et beautés du cinéma lui ont servi de parrain et marraine jusqu’à ses obsèques; Brigitte Bardot chez qui elle a vécu deux ans, et Alain Delon, qui a lu la lettre que BB a écrite pour la dernière cérémonie.
La petite fille, puis la jeune fille n’a vu que les naufrages de Maria puisqu’elle venait lorsqu’elle n’avait plus où aller. Elle l’a accompagnée dans la dernière épreuve, celle du cancer où elle ne se nourrissait que de champagne, rien d’autre ne passait, où elle ne ressemblait plus à elle-même avec ses cheveux coupés et blancs et son beau visage disparu sous les baffes de l’héro, des joints, de l’alcool et de la clope. Pauvre âme.
On apprend que le grand Marlon soi-même resta en contact, abusé lui même par ce que Bertolucci lui fit jouer. Qui a fini par s’excuser de ce viol assassin trop tard, après sa mort de l’actrice.
Livre sensible et tendrement brodé. Souvenons-nous de la sublime Maria dans Profession : reporter d’Antonioni que j’ai revu l’autre jour, toujours sidérée par le charme irracontable de cette femme-enfant et la magie toujours prégnante du film.
Tu t’appelais Maria Schneider de Vanessa Schneider, 2018 aux éditions Grasset. 252 pages, 19 €
Texte © dominique cozette