Balle de neige

Moi, j’ai le sens de la blague ! Enfin, j’avais. L’an dernier, pour me marrer, j’ai mis une boule de neige au congélo en pensant que, aux beaux jours, je l’enverrai dans la tronche de quelqu’un, au débotté. Vous voyez le topo ? Une boule neige en plein mois de juin ! Lol de chez lol, non ?
Sauf que ça s’est passé d’une sale façon. Mon interphone ne marchait plus, j’attendais mon fils, pas le grand dépendeur d’andouille qui passe ses nuits en gardav, l’autre, l’intelligent, çui qui travaille chez Free sur la ligne chaude. Claude-Jean qu’il s’appelle. Claude-Jean arrive donc un soir pour mon anniv, c’était le 14 juin, il m’appelle de son phone pour que je lui ouvre la porte.
Ni une ni deux, je me dis comme ça : tiens ! c’est le bon moment pour la boule de neige dans la tronche. je vais chercher la Tupperware où elle était stockée, j’ouvre la fenêtre, je la laisse tomber droit sur la tête de Claude-Jean qui avait le nez en l’air vers moi, me préparant à la grosse rigolade. Mais ça a pas été rigolo du tout. Dès que la boule l’a touché, il s’est recroquevillé sur lui-même et est tombé sur le trottoir. Des gens se sont précipités vers lui, il y a eu un affolement général, j’entendais les gens qui disaient faut appeler le Samu.
Et puis le Samu est arrivé. J’ai préféré rester là-haut, j’ai un problème avec mes bêtises. Et puis j’ai appris qu’il était tombé dans le coma. Je suis allée le voir, c’est quand même la moindre des choses. Il y a eu une enquête mais personne n’a parlé de neige congelée ou quelque chose d’approchant. Ça avait dû sécher avec ce cagnard. Il paraît que les flics, ils ont ramassé des pierres pour en prélever les traces d’ADN. Je me dis heureusement que ça a fondu, de toute façon, ça ne changerait rien que je me dénonce,  j’aurais encore des problèmes avec les services sociaux, tout ça.
Quand je vois cette neige qui tombe, je reste chez moi, je n’ai pas envie d’en faire des boules croyez-moi. Claude-Jean est sorti du coma mais par la petite porte. Un morceau de lui est resté dedans. Il fait de la rééducation pour récupérer la parole. Aujourd’hui, il a regardé tomber la neige en criant « neid, neid ! ». Sacré Claude-Jean ! j’y ai fait en lui caressant la cicatrice du crâne.

Texte et dessin © dominique cozette

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