Baisers volés

Lettres des années 60 :

« Je suis toujours avec Pierre S. Je l’aime de mieux en mieux. Au début, j’étais allée avec lui comme ça, faute de mieux, mais maintenant, je ne regrette pas. Il m’aime bien, je crois et plusieurs fois m’a demandé si ça me plairait de me marier avec lui. Au début je lui disais et me disais : « l’est pas fou ? » mais maintenant j’aimerais bien. Je ne lui dis pas car d’ici quinze jours, ça ne me plaira peut-être plus…(…)  Dis-toi bien que c’est drôle car en ce moment je pense sérieusement à me marier (surtout avec ce que tu m’as dit pour l’EFAP, je ne sais plus quoi faire à la rentrée. D’ailleurs tout le monde ici me dit que je suis tombée sur un mec bien, le mieux peut-être de la vallée, je vais finir par le croire. Enfin, rien n’est encore sûr. …(…) Ce n’est plus la grande entente avec Pierre. Le soir même de la lettre on se disputait  et ça a été fini pendant deux jours. Maintenant, ça a repris mais l’équilibre reste précaire, je reste à l’hôtel de Paris et je vois Pierre deux minutes par jour, il vient me dire bonsoir en passant au Bivouac. Tout change. »(Monica, Chamonix 68)

« Il y a des moments où je me demande si je vais pouvoir supporter son absence cinq minutes  de plus. J’ai l’impression que je vais en mourir. Et puis cinq minutes passent et je suis toujours vivante » (Marianne 66)

« Je vous écris pour vous dire que je vais me marier avec Christian (…) J’ai enfin trouvé du travail, je suis vendeuse chez Prébac, à Alésia, rue du Général Leclerc. Je m’y plais bien car c’est un magasin de jeunes et qu’il y a une ambiance sympathique avec les vendeurs et vendeuses. J’ai hâte d’être au 30 avril car Christian est un garçon vraiment formidable malgré qu’il ne soit pas très yéyé. Mais que voulez-vous, on ne peut pas tout avoir. » (Brigitte, Chatenay-Malabry 66)

« J’ai apprécié le tact avec lequel il a ébauché le flirt. Il est terriblement doux. Cela n’a rien d’extraordinaire, mais cela devient tellement rare à notre époque, qu’on apprécie plus. J’ai horreur des « types-qui-t’embrassent-fougueusement » du genre tu m’plais, j’te désire et point final !…Je n’ai pensé à personne d’autre pendant toute la nuit dans le train, bien que je l’aie passée dans les bras d’un certain Patrick F, mignon, yéyé dans la juste mesure, sympa et très vivant. Merci à lui de m’avoir un peu (très peu) adouci la séparation ! » (Caroline, Noisy 67)

Ça me fait toujours marrer de revoir comme on vivait l’amour à l’époque. On avait beau aimer terriblement un garçon, on ne se privait pas de papillonner à droite à gauche… On ne s’encombrait pas trop de principes, finalement, on cueillait les aventures comme elles arrivaient, avec beaucoup de légèreté. Antoine avait beau chanter la pilule , elle n’était pas encore en vente dans les Monoprix. La révolution sexuelle commençait à s’ébaucher mais le flirt restait la pratique principale. Ça ressemblait à Baisers Volés de Truffaut ou Féminin-Masculin de Godard,

Texte collectif. Dessin © dominiquecozette

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