L’Oural en plein coeur, sous-titré des steppes à la taïga sibérienne ne dit pas grand chose sur ce qu’on va trouver dans ce livre et c’est bien dommage. C’est une très belle histoire qu’Astrid Wendlandt a vécue là-bas, un premier amour puis un autre, vingt ans plus tard, dans des contrées dont personne ne nous parle.
Astrid, une femme accomplie, journaliste, ayant largement bourlingué en URSS et ailleurs (voir mon article sur son livre sur les Nenets, lien ici), décide de retourner à Tcheliabinsk, ville plutôt pourrie, où elle tomba raide dingue d’un rocker soviétique dans sa prime jeunesse, puis de parcourir l’Oural, à la recherche des dernières peuplades avant disparition programmée. Tout a changé, l’homme est resté volage. Les Russes ne sont plus ce qu’ils étaient, certains se sont outrageusement enrichis pendant le démembrement de la Russie, les autres se plaignent d’être encore plus précaires qu’au temps du communisme. La vie est rude, les caractères sont bien trempés.
Astrid, que rien ne rebute, décide d’aller à l’assaut de ces régions hostiles mais fascinantes, dans ces paysages dont elle n’est jamais repue, malgré les contes et superstitions qui devraient freiner son enthousiasme. Elle embarque avec un homme qui n’avait jamais quitté Tcheliabinsk, dans une voiture bancale, sans savoir si ce compagnon, avide de vodka comme tout le monde, taiseux, ne va pas profiter d’elle.
Ce qu’il y a de formidable dans ce livre, c’est tous ses à-côtés ethnographiques et historiques, dans une langue riche et imagée. On a l’impression de feuilleter un roman graphique où alternent environnements glauques, immensités inquiétantes, campements folkloriques, friches industrielles en déshérence. On y rencontre de tout, des communautés qui se créent telles de nouveaux hippies en autarcie, des personnages hors du commun, louches parfois, on y apprend des foules de choses sur ce pays, ses prédateurs, la fin d’une civilisation avec la ruée vers les pétroles de Sibérie où s’enlisent les derniers nomades.
L’amour va naître doucement entre ce moujik brut, simple, nature, qui n’a jamais vu que sa ville et ses alentours, et cette globe-trotteuse de l’infini, polyglotte, correspondante au Moscow Times, au Financial Times puis chez Reuters. La question est : allons-nous construire une maison en rondins dans la steppe, avec les marginaux de la civilisation ou l’emmènerai-je vivre à Paris, lui qui ne parle pas anglais, encore moins français ? Il faudra bien trouver le moyen de rester ensemble car une petite fille s’annonce.
Très joli récit qui nous emmène dans un périple réellement dépaysant ! Vidéo d’Astrid nous parlant de son livre ici.
L’oural en plein cœur par Astrid Wendlandt aux éditions Albin Michel, 2014. 216 pages, 19,50 €
Texte © dominique cozette