C’est une petite souris marsupiale grise appelée antéchinus agile, insectivore nocturne qui grimpe aux arbres. Avant que de grimper aux rideaux. Car pendant dix mois, tout va bien. Et subitement, à l’été, les mâles sont submergés par un afflux mahousse de testostérone, exactement comme chez nous quand les filles montrent leur peau (je veux dire comme au XXème siècle, quand il y avait encore une saison appelée printemps).
Ils sont pris d’une frénésie sexuelle intense et irrémédiable. Dingue. Mais ce qui fait leur charme, c’est qu’ils ne sont pas jaloux. Ni machos. Les femelles en profitent puisqu’elles changent de partenaire comme de trou d’emmental.
Concrètement, ça se passe comme ça : les mecs s’installent dans des penthouses construits dans les arbres, proches les uns des autres. Comme ça, il y a de l’émulotation.
– « Coucou Fifi, ça va toi ? Sur les starting blocks ? »
– « Ouais, j’ai plus qu’a remplir mon frigo et je les attends de pied ferme, les salopes ! »
Et les femelles, gonflées à bloc, font la tournée des popottes et s’arrêtent chez ceux qu’elles trouvent les plus glamour, plutôt les baraqués, mais y a pas de règle. Comme il y a plus de nanas, les mâles sont ultra-sollicités et, poliment, éjaculent à la demande. Ça dure souvent trois heures d’affilée… pfff … Ils ont une douzaine heures pour reconstituer leur stock et hop, c’est moi, Minnie Petite Souris, toc-toc-toc, et c’est reparti !
Cet afflux d’hormones et cette brutale dépense énergie a raison du système immunitaire de nos don Juan. S’ils ne sont pas emportés par un ulcère gastrique ou un arrêt du foie dû au stress de la copulation, ils succombent aux infections ou aux parasites dans les jours qui suivent. Avouez que le prix à payer est énorme. Vous, jeunes mâles scotchés devant la pulpe cannoise ou vieilles branches jamais rassasiées, vous pouvez remercier le ciel de ne pas les avoir faits antechini agiles !
Les femelles, elles, ont eu ce qu’elles voulaient et ne sont pas contre remettre ça l’été suivant, du moins celles qui savent tenir à l’écart leurs filles et autres brindilles prépubères.
Texte © dominiquecozette d’après Les records du monde vivant (National Geographic). Dessin © dominiquecozette.