Oh mon dieu, j'ai des couilles !

Après avoir effectué un acte assez courageux, pas très courageux genre avoir dissuadé un homme de violer une femme enceinte dans le RER B en lui enfonçant mon parapluie dans une de ses narines ou avoir réussi à déloger d’une mairie de Levallois un couple de forcenés cumulards installés là depuis une trentaine d’années, pas jusque là mais un truc que quand même, faut le faire, c’est pas tout le monde qui en a pour faire ce que j’ai fait. Mais le sujet n’est pas là. Le sujet c’est qu’après cet acte, j’ai entendu des gens, des hommes et même des femmes, me dire que : ah la la ! Si tout le monde en avait comme vous !
– Avait quoi, comme moi ?
– Ben, vous savez…
– heu… non !
– du courage, vous voyez, enfin…
– des couilles, madame ! Si tout le monde avait des couilles ! Parce que vous, c’est clair, VOUS avez des couilles ! Bravo, madame ! Permettez qu’entre couillards, on se serre la main !
Et me voilà sans voix, à me faire secouer la main par celle d’un porteur de testicules qui ne se l’était peut-être même pas lavée après avoir manipulé le machin qui va avec, le pénis.
Et c’est comme ça que je suis devenue la femme à couilles dans l’enceinte de mon super marché parce que j’avais empêché une mémère à moustache et forte voix de passer devant tout le monde dans la queue. Quelle gloire !
Le pire, c’est qu’en rentrant chez moi, j’ai vérifié mon anatomie : hé bien croyez-le ou pas, j’avais effectivement deux utricules  en peau de zébi flétrie avec quelques poils dessus, qui avaient sailli au bas de mon mont de vénus. Ouch… c’était pas jojo à voir, je vous le dis tout net ! Ça nuisait fortement à mon image de marque féministe. Et puis même, c’était d’un laid ! Je me suis demandé comment les hommes peuvent être si fiers de deux petits organes aussi vilains, tellement vilains qu’ils n’ont jamais servi d’emblèmes, que je sache, à une quelconque cérémonie virile axée sur la bravitude. Genre le truc qui orne des portails d’administrations guerrières, fleurit sur des banderoles brandies lors de manifs velues ou sur les plastrons des plastronneurs testostéronés. Sorte de balls pride.
En étudiant la question, j’ai noté que beaucoup d’autres femmes avaient des couilles. Des femmes qui avaient fait montre d’une attitude ferme en exécutant un acte exemplaire et peu courant. Exemple : une garde des sceaux démissionnaire d’un gouvernement dit mou. Attention  cependant : une femme exécutant un acte exemplaire et peu courant qui élèverait une voix haut perchée se requalifierait instantanément non pas en personne couillue mais en en hystérique. Gaffe, la membrane est fine.
Voilà. Depuis, j’ai dû faire preuve de diverses lâchetés afin que ces testiculaires extensions se séparent de mon bas-ventre sans faire trop de vagues.
In fine, j’ai lancé une pétition pour que les scientifiques énoncent clairement sur tous les tons et tous les réseaux sociaux que non, définitivement, le courage n’est pas dans les couilles, mais dans le cerveau. Il est vrai que ceux qui n’ont que deux neurones ne peuvent pas comprendre.
Quant à nous les femmes, laissons notre minou vierge de tout pendentif, et cessons de manier la pensée unique et mâle qui, parfois, fait construire des caisses en bois dans les musée pour ne pas choquer certains …mal burnés à qui personne n’a osé dire qu’une femme n’en a pas, que ça ne l’empêche pas d’être courageuse.
Mais qu’eux sont parfois très très cons. Cons comme des bites, tiens, allez hop !

Texte et dessin © dominique cozette

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