Le plus difficile n’est pas d’écrire un livre.
Le plus difficile est de trouver un éditeur. Mais ce n’est pas encore le plus difficile. Quoique.
Le plus difficile, c’est que le livre soit enfin publié.
Le livre publié, on se dit youpiiiii, génial, quel kif et on danse la carmagnole avec une bouteille de prosecco dans chaque main, faisant ruisseler le nectar italien dans des verres à moutarde où restent quelques traces de colle avec ses voisins de palier en pensant que bientôt, ce sera du Krug Grande Cuvée servi dans des flûtes en cristal lors d’un prix fêté par le tout-people dans une célèbre brasserie germanopratine qui abrita les amours de Juliette et de Miles.
Là, on se fourvoie dans les grandes largeurs. Avant tout cela, des obstacles insensés autant qu’inattendus se seront dressés sur la route de notre succès : Rachat d’édition, grèves d’imprimeurs, faiblesse du service de presse, mauvaise timing, faillite… ou même mépris total pour la personne en question.
Beaucoup de ces avatars se sont produits tout au long de ma vie artistico-professionnelle au gré des domaines qui s’ouvraient à moi telles de prometteuses fleurs non cultivées industriellement par de pauvres esclaves kénians, au fil d’incroyables opportunités qui, accortes filles de joie, exhibaient sans retenue leurs beaux avantages et leurs superbes arrièretages, me faisant baver de concupiscence. Mais lorsqu’il s’agissait de concrétiser, balpeau. Ces salopes me montraient leurs fesses qui s’avéraient encore plus plates que la platitude de la terre imaginée par Trump puis, avant que de disparaître dans un éclat de rire démoniaque, m’adressaient une grimace cauchemardesque dévoilant une (dé)rangée de dents dont n’aurait même pas rêvé Oedipe pour couper son encombrant cordon ombilical.
Et lorsque sonne l’heure des bilans, ding dingue dong, on réalise qu’en fait, le plus difficile du plus difficile, c’est de posséder une chose rarissime et précieusissime : la chance. Le pot, la baraka, le cul bordé de nouilles, la veine de cocu, enfin tout ce que vous voulez. Sans cet ingrédient qu’a négligé de vous doter la petite fée penchée sur votre berceau décue de la pauvre image que vous lui renvoyiez (une petite loque hurleuse et violacée) vous n’y arriverez pas. Tout le reste, c’est de la littérature. Si je puis dire !
Voici donc, ici contée, la farandole des multiples ratages que je me suis tapés, super loseuse que je suis ! Spécialiste du chou blanc. Collectionneuse de fiascos. Diva de la déroute. Chopeuse de déboires. Professionnelle du râteau. Cueilleuse de gamelles. Perverse du revers. Cuiseuse de défaite. Preneuse de vestes. Rateuse de coche. Diplômée ès projets qui foirent, qui loupent, qui pètent, qui se ramassent, qui finissent en eau de boudin, qui font long feu, qui blackboulent. Oui, c’est tout moi. Jobarde racoleuse de déveine, aguicheuse de scoumoune. Engluée dans le mébol, la guigne, la malédiction. Bac plus dix de la vicissitude. Du manque de pot, de chou, de veine, de cul, de bol. Qui pète dans la poisse, qui porte le mauvais œil. Appelez-moi Waterloo, Trafalgar et Bérésina réunis. WTB.
Pourtant, tout commence bien, à Salut les Copains, un beau jour de printemps, sous l’œil velouté de Daniel dans la cabine un peu pourrie d’où jailliront d’invraisemblables et immarcescibles carrières sur lesquelles personne n’aurait misé un kopek, d’autant que les Russes n’étaient pas, dans ce temps là, les bienvenus sur le perron de l’Elysée.
La fois où j’ai failli tuer la reine des yéyés par Dominique Cozette. 2020 aux éditions Chum. 294 pages. 19,50 €.
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Texte © dominique cozette