Quand je suis passée chez Pivot

Oui, j’ai eu la chance de passer à Bouillon de Culture en juin 93, mais fut-ce une chance ? Je raconte cette anecdote dans mon dernier livre La Fois où j’ai failli tuer la reine des yéyés, un livre sur mes malchances sorti …pendant le confinement. !

Un matin tôt, je suis interviewée par Jean-Pierre Elkabbach sur Europe au sujet de la campagne Omo Micro qui fait toujours grand bruit. Un ministre utilise mon slogan, quelques titres de journaux s’en emparent, Oh my Gosh ! Comme il faut bien remplir l’oreille disponible des travailleurs se préparant à leur rude journée de labeur et qu’aucun scoop ne s’annonce, je viens boucher le trou d’actu. Elkabbach, qui s’est mis sur pilote automatique, ne s’est pas aperçu que je suis une personne de sexe féminin, et va me demander si en me rasant chaque matin… bla-bla-bla. Il me prend pour une guenon, ma parole. On rigole, j’ai fait un super buzz.
Quelques jours après, une personne de chez Grasset me contacte à l’agence pour un déjeuner chez Lipp. Je lui fais répéter, je n’ai pas bien saisi son nom : (Vexée) Ah bon, si vous ne vous voulez pas déjeuner avec moi…
Si, si, bien sûr, j’avais mal entendu, j’irai avec enthousiasme. Je suis plutôt intimidée. Chez Lipp avec une éditrice qui m’invite ! C’est Claude D., un person-nage haut en couleurs, directrice du service de presse de Grasset, entre autres missions. Elle est déjà assise à sa place, la place centrale de chez Lipp où l’on voit passer tout le monde. Claude picole et fume. Elle est importante. Elle salue et re-salue et re-re-salue… Petit jeu des éditeurs dans leur ghetto germanopratin, le réseau social de l’époque. Je réponds à ses questions, je me raconte. Surprise ! Elle ignore que j’ai déjà publié. Quand je lui annonce que je viens de finir un roman et suis à la recherche d’un éditeur, elle jubile. Je lui demande quand même pourquoi elle m’a invitée : elle m’avait trouvée drôle chez Elkabbach, adorait ma campagne Omo et pensait me pousser à écrire. Elle me fixe un nouveau rendez-vous chez Lipp pour que je lui apporte mon manuscrit.
Ce sera un vendredi midi. Prudemment, elle m’avertit :
— Ne vous attendez pas à ce que je vous donne une réponse rapide, j’ai plein de livres en attente, je suis assez lente.
— Je ne suis pas si pressée, mens-je. À 16 heures, ce vendredi d’après notre déjeuner, téléphone au bureau. C’est Claude :
— Dominique, j’ai dévoré votre bouquin, je l’adore ! Il me plaît vraiment. Ah mais quel dommage !
— Dommage ? Que quoi ?
— Que ce ne soit pas votre premier roman. Parce que la critique est beaucoup plus attentive quand c’est un premier roman. Ah, si ça avait été un premier roman !
— Oui. Mais c’est mon deuxième (je ne compte pas mon bouquin sur les hommes). En plus, je ne sais pas où j’en suis avec mes éditeurs. Ils ont été rachetés par une compagnie de taxis, quid de mon contrat ?
— Bon, on reparlera de tout ça. En attendant, je vais le présenter au comité de lecture. Je ne suis pas seule à décider. Donc, pas de fausse joie, n’est-ce pas ?
Le premier roman est la marotte des éditeurs. Comme la petite rondelle fragile tant prisée des jeunes mariés réacs, des amants pervers, des religieux sinistres, le premier roman est le dépucelage de l’écrivain. Cette première fois est unique, c’est moi qui l’ai eue, tra-la-la, quelle fraîcheur, un brin d’inexpérience certes, mais la promesse larvée d’une longue et fructueuse histoire ! Pour moi, c’est fait. Un éditeur m’a déjà baisée, mal baisée, mais baisée quand même, sans compter l’essai sur les hommes, mon premier livre. Alors, quand ce n’est plus à faire, l’excitation est moindre, le soupçon s’insinue : pourquoi l’éditeur premier n’a-t-il pas gardé la jeune recrue ? Elle a probablement été overpromising (terme publicitaire qui veut dire qu’elle va être déceptive). La jeune pucelle si excitante au départ avait hélas du poil au ventre, ou des seins mous, ou des verrues plantaires. Imbaisable, donc. Invendable, pour sûr.
Mais Claude ne le prend pas mal. Nous nous voyons souvent. Les bureaux de Grasset sont en face de l’hôtel particulier de Bernard Tapie, rue des Saints-Pères où je n’ai jamais mis les pieds, j’avoue. Je dis ça parce que l’aventure judiciaro-rocambolesque du bonhomme bat son plein. La vitrine des éditions expose les derniers succès. L’escalier qui mène aux bureaux sent l’encaustique. Là aussi, les parquets craquent. Beaucoup de coursiers viennent déposer un pli ou en retirer un tandis que j’attends qu’on vienne me réceptionner. Une dame timbrée fait son tour tous les jours pour harceler BHL, mais la standardiste fait barrage. Les bureaux des éditeurs/trices sont petits, bas de plafonds, emplis de manuscrits.
La personne responsable des finances et du juridique, un homme séduisant, s’empresse d’arranger l’affaire du contrat pour me libérer des taxis. Ouf ! Le comité de lecture donne son feu vert. Ouf-ouf ! On m’envoie un ou deux photographes. On me dit que j’aurai la couverture jaune. Je jubile ! La couverture jaune de chez Grasset ! Quelle reconnaissance de mon immense talent ! Puis, non, elle sera illustrée. Arghhh… Ça veut dire moins prestigieuse. J’ai comme l’impression que Claude est beaucoup plus enthousiaste que d’autres concernant le lancement du livre. Enfin, bon, j’ai aussi quelques admirateurs, paraît-il, des auteurs très sérieux que je n’ai jamais lus. Mais que je lirai. Un jour.
J’apprends que Claude est homo, c’est le genre de chose que je ne repère jamais, étant moi-même de sexe approximatif dans la tête. Un jour, elle me donne rendez-vous dans un café près de l’édition. Toute fière, me tenant par le bras, elle m’annonce aux personnes présentes : « Ma femme ! » Je pique un fard pas possible, non mais des fois, qu’est-ce qu’elle croit ? Jusqu’à ce que je réalise que Ma femme est le titre de mon roman. Quelle conne je suis !
Le livre sort, je n’ai pas eu le dernier mot sur la couverture qui représente une jeune femme, jolie certes, mais qui n’a rien à voir avec mon héroïne. Trop sophistiquée. Qui ne correspond pas à l’ambiance, je trouve. J’ai moins d’articles que pour le précédent, quelques radios, toujours Kernel et Girard qui me soutiennent, je les aime. Je suis invitée au Cercle de minuit, qui est the place to be culturelle de l’époque, l’émission de Field dont je suis fan. Je suis heureuse et fière, mais Claude me dit que non, il vaut mieux aller chez Pivot. Par éthique, la chaîne ne reçoit pas dans les deux émissions, il faut choisir. Je préfère Le Cercle, assuré-je à Claude. Non, non, on ira chez Pivot, vous verrez, Pivot va nous assurer de grosses ventes.
Le temps passe, on approche de l’été, Pivot n’est pas chaud. Question articles de presse, ça s’essouffle. À chaque fois que j’appelle Claude, elle me dit que Pivot n’est pas tout à fait prêt, mais que « on va y arriver ». Merde, merde, merde ! Je suppose qu’une grosse édition comme Grasset a un certain poids face à l’animateur littéraire. Mais le temps passe, après ce sera vacances à la télé, puis la rentrée avec ses six cents. Laisse tomber. Enfin, Claude m’appelle triomphale : « Ça y est ! Pivot nous prend ! C’est super ! Je suis très heureuse ! » Moi aussi. Je jubile. Passer chez Pivot, succès pour bientôt. Quel slogan ! Le rêve de tous les scribouillards. Si tu n’es pas passé chez Pivot, tu as raté ta carrière. Vous allez voir comme je vais la réussir, la mienne, de carrière ! Ma femme va crâner sur le rayon « Vu chez Pivot », les gens vont tâter le bouquin comme un melon, renifler les pages, lire la quatrième, trouver que oui, ça mérite d’être lu. Puis ça fera un film formidable avec Kim Basinger dans le rôle-titre et Depardieu dans le mauvais rôle, celui du rabat-joie de la moukère.
Au fait, que je vous raconte comment est né ce livre. Un dimanche gris, je matais la télé, affalée sur mon gros fauteuil en velours bordeaux, clopant, cherchant de nouvelles idées de pub. Mon oreille est attirée par la voix d’un Américain. Un type dans un bled du Wyoming ou du Minnesota, red neck ou working class, en gros plan : My wife wanted a dog… bla-blabla. Sa femme voulait un chien ! Mais quel bon début ! Le bonhomme que je vois devient instantanément le narrateur, il est donc marié, mais n’est pas d’accord avec sa femme. Un chien, et puis quoi encore ? Pourquoi pas un bébé ? (Ça c’est moi qui enchaîne, pas l’Américain.) Hé oui, un bébé ! Et pourquoi pas travailler ? Eh oui, justement, elle voulait tout ça, sa bonne femme. Comme c’est contrariant, une bonne femme ! Et j’ai écrit, écrit, je tirais le fil et ça venait. Chapitre après chapitre, sa femme réclamait l’impossible pour cet homme coincé dans sa petite raideur virile. Quelle joie, ce livre !
Pendant le week-end à la campagne avant l’émission, je m’expose au soleil pour avoir bonne mine. Je relis mon livre pour ne pas être prise au dépourvu à cause de mon horrible mémoire, je lis les bouquins des auteurs invités, me prends de passion pour Rose Tremain. Dutourd, moyen. Cinq jours avant l’émission, horreur et putréfaction, un orgelet me pousse à l’œil. Au secours !! Un orgelet pour passer chez Pivot, allô docteur Freud ? Puis-je savoir quels crimes j’ai commis dans une vie antérieure pour mériter ça ? J’appelle ma sœur aînée qui est ophtalmo. Elle adore qu’on fasse appel à son professionnalisme. Elle prend une voix spéciale, docte, ferme et calme, sa voix de docteur quoi, et me conseille quelques produits à appliquer pour enrayer le monstre. Et ça marche.
Mon chef, le fameux DC qui m’avait dans le nez, est revenu à de meilleurs sentiments à mon égard, et se réjouit de mon passage « à Pivot ». De la com, de la com ! Il me demande de parler des singes Omo. Je lui dis : ça ne va pas, non ? Je vais défendre mon livre. Si ça marche, après on parlera des singes. Il avertit le ban et l’arrière-ban, le client, tout ça pour annoncer l’événement. Il fait enregistrer l’émission par le service technique, car, évidemment, un vendredi soir de juin avec un si beau temps, il y a des chances pour que personne ne regarde la télé. Il fera faire des copies pour ceux qui veulent. Bon. Si ça peut lui faire plaisir.
Nous sommes le 25 juin. Il fait un temps génial, plein été. Je mets une veste légère bleu pétard avec un foulard rouge pétard dans la poche, je remonte mes manches sur mes avant-bras bronzés, comme ça se fait, je porte un jeans raide de propreté et des tennis Bensimon passés à la machine. Je pète le feu. Je retrouve Claude dans un café près de la télé. Elle fait péter le champagne, car ça décontracte. En fait, je n’ai pas le trac. Je sens que ça va y aller fort. Mais est-ce que je ne péterais pas plus haut que mon cul, parfois ? Oh, hé, hein, il faut bien se faire plaisir !
Entrons dans le Saint des Saints : les fidèles sont au nombre d’une petite vingtaine, Claude prend place parmi eux. Les auteurs, les saints donc, sont assis, c’est assez hétéroclite, le vieux complice qu’est Jean Dutourd est venu en chaussons, j’exagère à peine. Dieu fait son entrée. C’est un Pivot assez fermé, pas très jovial. Il nous envoie ses recommandations, nous encourage à intervenir n’importe quand. Les caméras nous attrapent à la volée, je me tiens bien, évite de tripoter mon visage, reste décontractée. Je le suis, à vrai dire. Lorsque vient mon tour, Pivot parle, certes de mon bouquin, pas de façon hyper enthousiaste, on ne sent pas la grosse secousse de plaisir éprouvée à sa lecture, donc plutôt neutre. Puis il enchaîne sur la campagne Omo. Forcément. C’était à prévoir. D’autant plus que Bernard Brochand, poids lourd de la pub, de la politique et du PSG, entre autres, est aussi invité pour parler du Festival du Film de pub à Cannes dont il est le président. Cela a dû faire partie du deal. Probablement que mon livre ne l’a pas suffisamment emballé et que Claude a parlé de la campagne Omo.
Je m’en sors bien, je fais de l’humour, Pivot reste dans la nuance bienveillante, neutre. À la fin de l’émission, un pot hors antenne, comme chaque fois. Je m’y pointe avec Claude pour rencontrer Pivot. Mais il est fatigué, mal luné, il ne nous fait pas l’honneur de sa légendaire bonne humeur. Nous repartons, Claude me dit que je me suis très bien débrouillée.

— Alors ?
— Alors rien.
— Mais encore ?
— Rien de rien. Nous sommes le 25 juin, un des jours les plus longs de l’été, il fait un temps splendide, tout le monde est sorti. Tout le monde !
— Il y avait bien des gens chez eux, quand même…
— Quelques grabataires, oui. Et tu sais ce qu’ils regardaient sur la Une, en deuxième partie de soirée pendant Pivot ? Johnny Hallyday, son concert au Parc des Princes.
Vous le croyez, ça ? Personne ne m’a vue. Personne n’a vu cette émission. Je vais vous raconter un truc : une fois, j’ai été interviewée à Cannes, dans la rue, par hasard, juste une poignée de secondes. C’est passé un dimanche midi. Qui se targue de regarder la télé un dimanche midi ? Personne. Tout le monde a autre chose à foutre le dimanche midi que de se planter devant la télé, grasse mat’ coquine, enfants à décrasser, ménage, brunch, en route pour un déjeuner en famille, la messe, tiens ! Hé bien, des dizaines de gens m’ont vue, des tas d’amis m’ont téléphoné pour me le dire. Même mon teinturier ! Dix petites secondes à peine. Un dimanche midi. Et là, Pivot, une heure trente à l’antenne, personne. Je te jure ! Sauf ceux qui, prévenus, avaient enregistré l’émission.
Effectivement, rien. Rien ne s’est passé. La courbe de mes modestes ventes n’a pas frémi d’un iota, les gens avaient le nez dans leurs valises, pas le moment d’aller farfouiller chez les libraires. À peine sont-ils partis souiller les plages que déjà les 600 romans de la rentrée déferlaient dans la presse, ensevelissant tout le reste y compris ma pauvre femme qui, haro sur elle, n’était pas mon premier roman.
Mais sûrement le dernier. Très longtemps après, on me demande parfois si j’étais passée chez Pivot. Le seul indice qui prouve que tu as vraiment été un écrivain. La seule référence valable.
Oui, je suis passée chez Pivot. Comme un ange, sans faire de bruit.
L’année d’après, Pivot me remettra le prix de la Contribution à l’amélioration de la langue française pour ma campagne Omo en poldomoldave, un clin d’œil qui le rend sympathique lorsqu’il fait ses perruques. J’ai droit à la bise.
« De quoi tu te plains ? Une bise de Pivot ! Au moins, il n’est pas rancunier.
Je me demande si ma voix intérieure ne serait pas une gourdasse ! »

Texte © dominique cozette, extrait de mon livre La fois où j’ai failli tuer la reine des yéyés, 2020, édition Chum.

Moi aussi, je suis une loseuse officielle

Il y a des personnes avec qui ça matche immédiatement et c’est ce que j’ai ressenti en lisant le fameux livre de Dominique Cozette « la fois où j’ai failli tuer la reine des yéyés ». Nous sommes taillées dans le même bois, j’ai vécu exactement la même chose, c’est très curieux, ces correspondances dans la vie des gens. Nous sommes nées la même année (bien que je fasse plus jeune qu’elle, sans me vanter) et j’étais une bombe à l’époque. Tout le monde me voulait : les Chœurs de l’Armée Rouge, les Compagnons de la Chansons, les Blues Brothers, les polyphonies corses et même les Vieilles Charrues. Hélas, comme Dominique, j’ai joué de malchance. Je possédais, et encore aujourd’hui, une voix rentrée impossible à sortir, impossible !
Alors je me suis tournée vers le cinéma avec Vincent, François, Paul et les autres, César et Rosalie, Tom et Jerry, les Hommes du Président et les Chevaliers de la Table Ronde. Mais, comme Dominique Cozette, j’ai fait chou blanc car, après chaque essai, on m’annonçait tristement que j’attrapais mal la lumière mais quel dommage avec votre physique, ajoutait-on (mon correcteur a écrit ajout téton, c’est vrai que de ce côté, je n’ai pas à me plaindre ! Jayne Mansfield et Gina Lollobrigida pouvaient aller se rhabiller. Mais elles prenaient bien la lumière, elles.)
Et après, je me suis tournée vers l’édition, j’ai écrit des romans érotico-sentimentaux très chiadés, mes virgules étaient toujours placées au bon endroit, j’utilisais l’imparfait du subjonctif avec bonheur, le suspens étreignait le lecteur dès la dixième page. J’avais même réalisé un exercice de style à la Perec en évitant le y. J’avais une bonne touche avec la NRF et Minuit mais il y a eu quelques malentendus sur les pourcentages et ça a fini en eau de boudin.
Et tout comme ça. Là où ça a le mieux marché, c’est quand j’ai fait modèle pour les concours de coiffure. J’ai la tignasse de Catherine Deneuve, c’est que qu’on me disait toujours mais aucun photographe n’a voulu me shooter pour les pubs L’Oréal sous prétexte que je suis rousse et que ce n’est pas une teinte porteuse. Une teinte porteuse ! Gilda, vous voyez qui ? Je vous aide : Rita H.
Aujourd’hui, comme Dominique Cozette, je ressasse mes soucis, je me perds en conjectures, en regrets et en remords mais, toujours prête à percer, j’ai l’idée de créer un hashtag pour rassembler toutes celles qui, comme Dominique Cozette, ont collectionné les plans foireux, plantages, manques de pot en tout genre. Je dois la rencontrer pour lui en parler. Ça va s’appeler #moiaussijailulelivrededominiquecozetteetjesuisuneloseusevéritable
Je sens le succès !

Photo de Bruce Gilden.

Mon livre étant paru comme par hasard (ha ha ha)  durant la crise du covid, épilogue évident de ma  vie de malchance, j’ai décidé de vous infliger une vague de promo. Car oui, c’est  le seul livre qui vous fera voir la bouteille pleine près du verre à moitié vide.
« La fois où j’ai failli tuer la reine des yéyés »
aux Editions Chum. 2020. 292 pages, 19,95 €. A commander dans votre librairie préférée. Ou sur le site de l’édition ici.

Angela l'a lu, l'hallu !

« Ich weiss nicht was soll es bedeuten« , dit-elle dans la parfaite langue de  Goethe qui est ici celle de Heine, « dass ich so traurig bin » hé, quand même, j’ai fait allemand deuxième langue et il m’en reste de beaux os. Donc, Angela, oui. Alors elle ne sait pas pourquoi  mais elle se sent triste. Ce qui est rare de la part d’une chancelière. Triste comme une chancelière n’est pas une expression si usitée. C’est pourquoi elle a appelé sa cellule personnelle de démêlage de sentiments et sensations pour comprendre cette drôle d’impression qui pourrait s’apparenter à une forme de mélancolie. Mais qui n’en est pas une. Et d’un seul coup, BIM, ça fait tilt !
En fait, elle a a-do-ré mon livre parce qu’il raconte la loseuse immarcescible que je suis, loupant tout ce que j’entreprends, jamais de chance, tout qui foire, la débandade majuscule, pas une once de chance, pas un projet pour relever l’autre, pas une réussite à inscrire au panthéon de mon œuvre, pas un succès à créditer à mon futur éloge lorsqu’il sera temps de dégager.
Et ça l’amuse ? Vous interrogez-vous.
Non, ce n’est pas ça. C’est qu’elle imagine que si mon modeste personnage avait été aux responsabilités d’une certeaine République Française à une certaine période sensible du vingtième siècle, j’aurais loupé tellement mon mandat que, tenez-vous bien, l’Allemangne aurait pu annexer la so désirable Frankreich. Vous imaginez ? Un immense pays qui s’étend de la Pologne à la péninsule ibérique, qui aurait aussi, soyons verrückt comme on dit, pu avaler Pays-Bas et Belgique. Un immense pays au bord de la Méditerranée et de l’Atlantique, avec ses particularités locales, ses danses folkloriques, ses ponts d’Avignon effondrés dans le Rhône majestueux, ses scintillants palais versaillais, ses monts St Michel bondés de badauds, ses bons vins très chers, ses jolies femmes élégantes sans poils aux jambes, sa haute-couture qui attire le monde entier, ses parfums qui retiennent les amants …
Bon, évidemment, il aurait fallu faire une croix sur la langue de meulière comme certains appellent le français. Françoise Sagan aurait écrit Hallo Traurigkeit, Dalida aurait interprété Itsy Bitsy klein Bikini et Jean-Pierre Jeunet aurait tourné Die Faberhafte Welt des Amelie Poulain. On aurait construit un formidable paquebot nommé Deutschland sur lequel, bien plus tard, Michael Sardou aurait composé en pleurant  Nennt mich nie wieder Deutschland, Deutschland ließ mich fallen…***
Comme le lui avait appris son ami François H., « si Paris était plus petit et les bouteilles plus grandes, Paris passerait dans les bouteilles »**, c’était mieux dit mais c’est l’idée.
Certaines choses n’auraient pas changé :  Godard serait resté suisse, Barbara aurait chanté Göttingen et l’Europe entière marcherait en Birkenstöck.
Un truc énorme cependant comme une Kirsche auf dem Sahnehäubchen* : on n’aurait plus à s’enquiquiner avec ces accents, aigus, graves, circonflexes, ces accord du COD, ces conjugaisons retorses et ces maniaqueries des petits Français qui se la pètent et font la bise à tout bout de champ. Se disait-elle in petto. Oui, elle avait bien ri en lisant le livre de cette bonne à rien (c’est moi, je m’appelle Dominique Cozette) qui, hélas, ne lui avait été d’aucune utilité sauf de la faire rêver deux minutes.

* Cerise sur le gâteau.
** Wenn Paris kleiner wäre, aber die Flasche dafür größer, würde Paris in die Flasche passen. (On dit comme ça, mais j’ai des amis germanophones qui me corrigeront peut-être)
*** Ne m’appelez plus jamais Allemagne, l’Allemagne elle m’a laissé tomber…

Mon livre étant paru comme par hasard (ha ha ha)  durant la crise du covid, comme l’épilogue évident de ma  vie de malchance, j’ai décidé de vous infliger une vague de promo. Car oui, c’est bien le livre le plus drôle de la pandémie, à lire absolument.
« La fois où j’ai failli tuer la reine des yéyés »
aux Editions Chum. 2020. 292 pages, 19,95 €. A commander dans votre librairie préférée.Ou sur le site de l’édition :

Mais qu'est-ce que raconte ce livre ?

Le plus difficile n’est pas d’écrire un livre.
Le plus difficile est de trouver un éditeur. Mais ce n’est pas encore le plus difficile. Quoique.
Le plus difficile, c’est que le livre soit enfin publié.
Le livre publié, on se dit youpiiiii, génial, quel kif et on danse la carmagnole avec une bouteille de prosecco dans chaque main, faisant ruisseler le nectar italien dans des verres à moutarde où restent quelques traces de colle avec ses voisins de palier en pensant que bientôt, ce sera du Krug Grande Cuvée servi dans des flûtes en cristal lors d’un prix fêté par le tout-people dans une célèbre brasserie germanopratine qui abrita les amours de Juliette et de Miles.
Là, on se fourvoie dans les grandes largeurs. Avant tout cela, des obstacles insensés autant qu’inattendus se seront dressés sur la route de notre succès : Rachat d’édition, grèves d’imprimeurs, faiblesse du service de presse, mauvaise timing, faillite…  ou même mépris total pour la personne en question.
Beaucoup de ces avatars se sont produits tout au long de ma vie artistico-professionnelle au gré des domaines qui s’ouvraient à moi telles de prometteuses fleurs non cultivées industriellement par de pauvres esclaves kénians, au fil d’incroyables opportunités qui, accortes filles de joie, exhibaient sans retenue leurs beaux avantages et leurs superbes arrièretages, me faisant baver de concupiscence. Mais lorsqu’il s’agissait de concrétiser, balpeau. Ces salopes me montraient leurs fesses qui s’avéraient encore plus plates que la platitude de la terre imaginée par Trump puis, avant que de disparaître dans un éclat de rire démoniaque, m’adressaient une grimace cauchemardesque dévoilant une (dé)rangée de dents dont n’aurait même pas rêvé Oedipe pour couper son encombrant cordon ombilical.
Et lorsque sonne l’heure des bilans, ding dingue dong, on réalise qu’en fait, le plus difficile du plus difficile, c’est de posséder une chose rarissime et précieusissime : la chance. Le pot, la baraka, le cul bordé de nouilles, la veine de cocu, enfin tout ce que vous voulez. Sans cet ingrédient qu’a négligé de vous doter la petite fée penchée sur votre berceau décue de la pauvre image que vous lui renvoyiez (une petite loque hurleuse et violacée) vous n’y arriverez pas. Tout le reste, c’est de la littérature. Si je puis dire !
Voici donc, ici contée, la farandole des multiples ratages que je me suis tapés, super loseuse que je suis ! Spécialiste du chou blanc. Collectionneuse de fiascos. Diva de la déroute. Chopeuse de déboires. Professionnelle du râteau. Cueilleuse de gamelles. Perverse du revers. Cuiseuse de défaite. Preneuse de vestes. Rateuse de coche. Diplômée ès projets qui foirent, qui loupent, qui pètent, qui se ramassent, qui finissent en eau de boudin, qui font long feu, qui blackboulent. Oui, c’est  tout moi. Jobarde racoleuse de déveine, aguicheuse de scoumoune. Engluée dans le mébol, la guigne, la malédiction. Bac plus dix de la vicissitude. Du manque de pot, de chou, de veine, de cul, de bol. Qui pète dans la poisse, qui porte le mauvais œil. Appelez-moi Waterloo, Trafalgar et Bérésina réunis. WTB.

Pourtant, tout commence bien, à Salut les Copains, un beau jour de printemps, sous l’œil velouté de Daniel dans la cabine un peu pourrie d’où jailliront d’invraisemblables et immarcescibles carrières sur lesquelles personne n’aurait misé un kopek, d’autant que les Russes n’étaient pas, dans ce temps là, les bienvenus sur le perron de l’Elysée.

La fois où j’ai failli tuer la reine des yéyés par Dominique Cozette. 2020 aux éditions Chum. 294 pages. 19,50 €.

A commander chez votre libraire préféré.
Note aux flemmards : plutôt que d’engraisser Amazon, le site www.chumeditions.com se fera un plaisir de vous l’envoyer dans les plus brefs délais.

Texte © dominique cozette

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