Le mariage des parents

Oh le beau mariage des parents !
Annie/André, pendant la guerre, en 43, à Rouen,
tous deux étudiants, 21 et 19 ans, obligés de se marier.
Voilà ce que c’est que de faire des galipettes
entre les cours de droit civil
et l’histoire des institutions !
On se retrouve avec un polichinelle dans le tiroir.
Mais le pauvre petit ne verra pas le jour, adieu grand frère.
Et le papa, il fait donc pas la guerre ?
Ah bah dame si ! Il aurait dû partir au STO, merci Pétain !
Mais quand le foutu camion est arrivé
pour cueillir les jeunes hommes pleins de sève
papa s’est carapaté avec son amoureuse,
intérêt à se planquer quand on devient réfractaire.
Puis en 44, un minuscule machin prématuré débarque, ma grande sœur,
même pas un kilo ! S’accrocher, survivre, niquer la mort,
bricoler une couveuse avec des pierres chauffées et du coton,
fuir avec une poussette bancale à travers champs,
s’apitoyer sur les vaches qui meurent faute de traite.
Se réfugier dans des fermes, mettre un filet sur la caisse du bébé
pour que les rats ne le mangent pas.
Après, reprise des études, licence en droit,
Rouen, dans la maison des parents de ma mère
occupée par un « Boche » tellement sympa
qu’ils se revoient des années après.
C’est Kurt, très grand blond coiffé à la teutonne
et sa femme Else qui offrent à la petite sœur
un chien jaune en peluche nommé Batsy.
J’ai encore dans l’oreille le son de son grelot.
Un mois après mon premier cri (flûte, encore une fille !)
notre père est intronisé contrôleur-rédacteur des Contributions Directes.
(Et moi plus tard, conceptrice-rédactrice publicitaire, rien à voir).
Direction Joinville-le-pont, youpiiii ! Le paradis !
Des maisons sans chauffage, sans wawas, sans rien du confort moderne
qui valut à cette époque le joyeux terme de Trente Glorieuses.

Texte d’après les recherches de ma soeur © dominique cozette
(à suivre).

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