Le ciel par-dessus le toit

Avez-vous déjà eu envie de relire immédiatement le livre que vous venez de fermer ? Moi, oui, ce matin. Le ciel par-dessus le toit, drôle de titre qui ne dit rien du livre sauf si l’on sait qu’il vient d’un poème écrit par Verlaine lorsqu’il était en prison. Nathacha Appanah est une écrivaine mauricienne vivant en France. Je la découvre avec ce merveilleux roman, court, simple mais riche d’une ambiance totalement originale avec ses trois personnages : Phénix, la mère fermée à double tour sur son ressenti, sa fille Paloma qui tente de se rendre transparente au monde et Loup, son fils, ultra-sensible, poète, rêveur, à la dérive.
Dès le départ on apprend que Loup est embarqué en prison pour avoir conduit sans permis, roulé à contresens et provoqué des accidents. Il a dix-ans, n’est pas intégré, a besoin parfois de courir deux heures non stop pour éviter d’exploser. On apprend qu’il voulait juste retrouve sa sœur dans la ville de C. qui lui avait promis dix ans plus tôt de venir le chercher, de le prendre avec elle. Parce qu’elle-même ne pouvait plus supporter sa vie avec cette mère forte, inébranlable, tatouée de partout, qui refusait de lui parler du père inconnu qui n’était pas le même père inconnu que celui de son frère.
Phénix, la mère, portait officiellement un prénom suranné : Eliette. C’était une petite fille superbe, sage, intelligente, avec une voix d’or, une merveille, quoi. Chaque année elle chantait à la fête de l’usine de son père jusqu’au jour où, à l’aube de son adolescence, un sagouin la salisse. Ce qui lui fit péter un câble devant la salle, devenant sauvagement obscène. Elle fut internée. Puis elle brûla la maison. Puis elle se tira. Se brouilla avec ses parents. Se tatoua, vendit des pièces détachées, fit deux enfants sans père à dix ans d’intervalle.
On s’attache alors à Loup qui manque tragiquement de tendresse et de câlins maternels, puis de tout lorsque Paloma les quitte. C’est un être adorable, toujours ailleurs, qui n’écoute pas ce qu’on lui dit car les mots s’amusent de son esprit. Il sent et ressent tout de telle façon qu’il se console de la vie ingrate qu’il mène dans leur maison pourrie. Mais curieusement, en prison, il trouve ses marques, une petite routine qui lui va bien. Le plus joli passage, même s’ils le sont tous, c’est lorsqu’il parle (enfin) au juge : les mots lui viennent comme dans un rêve tout en poésie où il explique la douce violence de son existence. Magnifique.

Le ciel par-dessus le toit de Nathacha Appanar, 2019. Editions Gallimard. 128 pages. 14 €.

Texte © dominique cozette

 

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