La vie d’artiste.

Drôle de vie. Une mère qui tient un estaminet qui pue la frite, où pochetrons, marins et assassins viennent se mettre minables, faut pas être bégueule, je  vous jure. Du coup, ses filles, elle te les colle dans une pension, c’est triste les pensions de ces années-là, t’as des engelures et la gourme aussi, des poux souvent, des pestes qui mouillent ton lit, qui crachent dans ton gâchis parmentier, d’autres qui pissent dans ton casier ou te volent ton équerre, y avait pas de supermarché et de made in China dans ce temps-là, t’avais une équerre pour toute ta scolarité. Et puis le père qui s’est barré en leur transmettant un risque avéré de cancer de la peau avec son mélanome trash sur la joue qui se retrouve au bas de leur dos. Comme elles sont de province, dans une ville portuaire charentaise ou l’inverse, elles ne rêvent que d’une chose : monter à Paris. Ah ! Paris ! L’une est persuadée que là-bas, l’Opéra n’attend qu’elle  (à 20 ans, faut être naïve !), l’autre  imagine donner des leçons de solfège, c’est déjà plus raisonnable. Le problème, c’est qu’elles cherchent l’amour avec une telle opiniâtreté que n’importe quel crétin, flairant la bonne arnaque, va te leur raconter les pires bobards pour les mettre au boulot rue Saint Denis. Tapiner en ressassant leurs grands rêves d’artistes, tel est leur destin. Et la mère ? La mère, elle s’en fout, elle est trop space, elle laisse des inconnus chercher son fils à l’école. Dont elle a plaqué le père parce qu’il avait un nom à la noix. Bref, c’est une bande de nases, vraiment nases. Ah, j’oubliais : les filles sont jumelles. De fausses jumelles, des vraies connes.
(Je déconne : j’adore des Demoiselles de Rochefort !)

Texte © dominiquecozette d’après la Chanson des Jumelles, paroles de Jacques Demy 1967.
Dessin © dominiquecozette

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