Je ne connaissais pas cette auteure. Le titre Pouvoirs magiques ne m’emballait pas mais j’ai senti quelque chose d’intéressant en grappillant quelques paragraphes et j’ai eu bien raison : j’ai adoré ce livre. C’est une superbe auto-psy de sa famille, plus particulièrement de ses liens avec sa grande sœur. Ce n’est pas un règlement de compte, c’est plutôt une sorte de procès verbal net et détaillé d’une complicité qui s’étiole sans qu’elle n’en comprenne la cause. Mais c’est aussi l’admirable portrait d’une famille atypique avec ce qu’on appelait en pub « un mood board », c’est à dire un tableau avec des photos de personnages, de décors et d’ambiance pour bien définir ce qu’on va nous raconter. Elle cite les comédiens, les politiques et plein de petits faits qui ont jalonné notre vie depuis les années 70. C’est un bain de jouvence teinté de nostalgie mais aussi un film qui se déroule dans notre tête tellement on s’y voit. C’est assez saisissant.
Sinon, il se passe quoi ? Des vies. Un père qui me fait penser à Montand dans Max et les Ferrailleurs, une mère qui ne travaille pas et deux filles dont l’aînée, sitôt marié avec un cynique sympa, mais cynique, et très critique, s’éloigne de façon très palpable de sa sœur qui ne réussit pas à traverser sa croûte de femme-mariée-mère-et-le-reste-ne-m’intéresse-pas. Elle en souffre. Elle a beau faire des choses remarquables, boulot, rencontres, écriture, théâtre, rien ne fait revenir sa chère soeur au centre de leur complicité d’antan. Gonflé !
Les plus : le portrait des époques traversées, celui des gens dans différents milieux professionnels, patrons, lèche-cul, esclaves, celui des ambiances familiales en évolution.
Le mieux : à la fin du livre, on arrive à la fin de la période où Cécile l’a écrit, l’a vécu, avec son vrai nom, l’évocation de ses parutions, le prix de la Closerie des Lilas et celui du Prince de Monaco. Tout ça est très pince sans rire et, comme elle l’exprime si bien, d’une vacuité totale.
En bref, c’est un bijou.
Pouvoirs magiques de Cécile Reyboz chez Actes Sud. 2015. 363 pages. 21,80 €.
Texte © dominique cozette