Une des chansons les plus intelligentes de ces dernières années

La reproduction, d’Arnaud Fleurant-Didier à écouter ici le clip

Il ne m’a pas appris l’anglais,
Il ne m’a pas appris l’allemand,
Ni même le français correctement.
Elle ne m’a pas parlé des livres,
De l’histoire des idées,
Pas de politique à suivre,
Pas de mouvements de pensées.

Elle ne m’a rien montré de pratique,
Ni cuisine, ni couture,
Faire monter une mayonnaise,
Monter une SARL, tenir un intérieur.
Il ne connaissait pas grand chose en mathématiques,
Ni équation de Schrödinger.
Mais pour être honnête,
On avait veillé à que je perfectionne mon revers a deux mains,
Que je fléchisse bien sur mes jambes, mais ça n’est pas resté,
ça n’est pas rentré.
On m’a donné un modèle libérale, démocratique.
On m’a donné un certain dégout,
Disons désintérêt de la religion.
Mais il ne m’a pas dit à quoi servait le piano
Ni le cinéma français qui pourtant le faisait vivre.
Elle ne m’a pas dit comment elle s’était mariée, trompée, séparée,
Ni donné d’autre modèle à suivre.

On ne m’a pas parlé de Marx, rival de Tocqueville,
ni Weber, ennemi de Lukacs,
mais on m’a dit qu’il fallait voter.
Elle ne m’a pas caché l’existence mais a tu celle de
Rousseau, de Proust, de Mort à Crédit.
Ils n’ont fait aucun commentaire sur mai 68,
Ni commentaire sur la société du spectacle,
Mais ils savaient que Balzac était payé à la ligne
Et qu’on pouvait en tirer un certain mépris.

Ils ne connaissaient pas d’histoires de résistance ou de Gestapo
Mais quelques arnaques pour payer moins d’impôts.

Ils se souvenaient en souriant de la carte du PC de leur père
Mais peu de De Gaulle, une blague sur Pétain, rien sur Hitler.

Ils avaient connu le monde sans télévision mais n’en disaient rien.
Ils n’avaient pas voulu que je regarde « Apocalypse Now »
Mais je pouvais lire « Au cœur des Ténèbres »,
je ne l’ai pas lu. On ne m’a pas dit que c’était bien.

On ne m’a pas dit comment faire avec les filles,
Comment faire avec l’argent, comment faire avec les morts.
Il fallait trouver comment vivre avec demi-frères, demi-sœurs, demi mort, demi -compagne, maîtresses et remarié,
Alcoolique, pas français fils de gauche : tu milites, milite,
Fils de droite : hérite, profite.

On ne m’a pas donné de coups,
On m’a sans doute aimé beaucoup.
Il n’y avait pas de chose à faire
À part peut-être polytechnicien.
Il n’y avait pas de chose à ne pas faire,
À part peut-être musicien.

Elle m’a fait sentir que la drogue était trop dangereuse,
Il m’a dit que la cigarette était trop chère,
Elle m’a dit qu’une fois elle avait été amoureuse,
Elle ne m’a pas dit si ça avait été de mon père.

Elle ne m’a pas dit comment faire quand on se sent seul,
Il ne m’a pas dit qu’entre vieux amis, souvent, on s’engueule.
On s’embrouille, que tout se brouille, se complique, qu’il faudrait faire sans.

Elle ne m’a rien dit sur Freud et j’ignore Lacan
Pas de conseils ni de raisons pratiques.
Pas de sagesse de famille, pas d’histoires pour faire dormir les enfants,
Pas d’histoires pour faire rêver les grands.
Il ne soufflait mot de la Nouvelle Vague,
Et de tout ce qu’on voyait avant
Mais parlait du Louvre comme d’un truc intéressant.
On ne disait rien sur Michel Sardou
Mais on devait aimer Julien Clerc 
On m’a parlé d’un concert.
Sinon je ne sais rien des pauvres, 
Je ne sais rien des restes d’aristocrates,
Je ne sais rien des gauchistes, 
Je ne sais rien des nouveaux riches,
On ne parlait pas de cathos, ni de juifs, 
Ni d’arabes.
Il n’y avait pas de chinois.
Elle trouvait que les noirs sentaient 
Elle n’aimait pas les odeurs 
Lui, lui s’en foutait.

Le point G n’existerait pas, bah alors ?

"Chéri, t'aurais pas vu mon point G ?"
"Chéri, t'aurais pas vu mon point G ?"

Donc, encore du nouveau dans le vagin, ce grand inconnu. Quand j’étais jeune, on nous disait : cherchez votre point G, vous verrez comme vous jouirez bien. Et nous voilà toutes (et beaucoup d’hommes bénévoles aussi) à scruter nos profondeurs d’un doigt alerte. Parfois, on croyait le mettre dessus (le doigt sur le point, voyons), et ce n’était qu’un point d’interrogation. Ne parlons pas des points d’exclamation, on en a partout partout. Pour les musiciennes, des points d’orgue, pour les méticuleuses, des points sur les i et pour les rigolotes, des points sur les zizis. Les malchanceuses, c’était des points dans la gueule pour promesse fallacieuse.
En tout cas, on s’est bien marré(e)s à rechercher cette zone plus ou moins étendue (selon la sensibilité de la dame), et même si on ne la trouvait pas du premier coup, ça donnait lieu à d’agréables explorations/prémisses/attouchements. Ça provoquait d’importants débats. Merci l’inventeur, Herr Gräfenberg, avec un G donc (et non pas monsieur Quimperbourg) !
Et voilà qu’on nous dit, en 2010 année du clitoris, je vous le rappelle,  que le point G n’existe plus ! Alors, on l’aurait perdu ? En deux générations ? Les jeunes n’auraient plus le droit de se tripoter le sexe à la recherche du Point Perdu sans collier ? C’est quoi, cette histoire ? Moi je l’ai toujours, enfin, je crois… euh attendez-voir… je demanderais bien à mon chéri mais il est parti au Point P pour acheter des vis de sept. Bah oui…, au moins, sur ce point, il est sûr de trouver ce qu’il cherche !

Texte et dessin © dominiquecozette

Bonnet blanc et blanc bonnet

On a partagé tant de choses, toutes les deux ! Des études calamiteuses, des vacances ratées, des larmes, des flirts non aboutis, des gâteaux dégueu, des expériences amères et pénibles, des soupes à la grimace, des gifles et des baffes, des culs tournés, des disputes, des crêpages de chignons, des gueules de bois, des pneus crevés, des blues du dimanche soir, des déprimes d’hiver, des noëls sans cadeaux, des nuits d’amour sans joie, des chefs sans pitié, des colocations miteuses…
Et puis aussi des trottoirs sans soleil, des clients sans hygiène, des macs impitoyables, des passages à tabacs épuisants, des passages à vide lénifiants, des hôtels minables, des fins de mois éprouvants, des rêves avortés, des pleurs sans fin, des gardes à vue innommables…
On a partagé tout ce qu’on a eu, tout. Et tu veux pas me prêter ton bonnet de bain ? Alors là,  je te trouve un peu personnelle, je vais te faire dire !

Texte et dessin © dominiquecozette

Encore une belle idée avortée !

Abortion #6
Abortion #6

C’est une grande gaillarde costaude et décidée. Elle a trouvé, dès l’âge de 15 ans, un procédé infaillible pour mettre fin à toutes les guerres et tous les conflits armés. Elle y a travaillé jusqu’à ce qu’il soit définitivement au point, pour ses 25 ans. C’était formidable, enfin un monde sans guerres ! Bien sûr, les marchands d’armes ne lui disaient pas merci.
Mais cette belle utopie est tombée à l’eau car le jour où cette grande gaillarde aurait dû être conçue, un mardi après le judo sur le banc du vestiaire filles, la mère de la jeune ovulante se fit renverser par un quad, accident bénin mais suffisant pour consigner la jeune fille à la maison. Son copain pensa qu’elle lui avait posé un lapin et de dépit, forniqua avec une pauvre ceinture jaune nommée Rose-Marie Magrotta et la mit en cloque séance tenante. Il en naquit un bébé qui devint petit chef de rayon (principalement poisson et viande) du Mégamarché de la Région. Et qui se passionnait pour les jeux vidéos les plus violents. Comme quoi…

Texte et photo © dominiquecozette

Petit homme

Que peut-il ? Tout. Qu’a-t-il fait ? Rien.
Avec cette pleine puissance, en huit mois un homme de génie eût changé la face de la France,
de l’Europe peut-être. Seulement voilà, il a pris la France et n’en sait rien faire. Dieu sait pourtant que le Président se démène :
il fait rage, il touche à tout, il court après les projets ; ne pouvant créer, il décrète ; il cherche à donner le change sur sa nullité ; c’est le mouvement perpétuel ; mais, hélas ! cette roue tourne à vide. L’homme qui, après sa prise du pouvoir a épousé une princesse étrangère est un carriériste avantageux. Il aime la gloriole, les paillettes, les grands mots, ce qui sonne, ce qui brille, toutes les verroteries du pouvoir. Il a pour lui l’argent, l’agio, la banque, la Bourse, le coffre-fort. Il a des caprices, il faut qu’il les satisfasse. Quand on mesure l’homme et qu’on le trouve si petit et qu’ensuite on mesure le succès et qu’on le trouve énorme, il est impossible que l’esprit n’éprouve pas quelque surprise. On y ajoutera le cynisme car, la France, il la foule aux pieds, lui rit au nez, la brave, la nie, l’insulte et la bafoue ! Triste spectacle que celui du galop, à travers l’absurde, d’un homme médiocre échappé « .

Victor HUGO, dans  » Napoléon, le petit  »
Réédité chez Actes Sud
Dessin © dominiquecozette

(Entendu Besson ce matin, horreur, je l’avais espéré englouti dans un bug New year ! Pouah !

Fin de partie

Putain ce qu’on a pu se marrer dans cette boîte où je passais mes vacances ! On  buvait du bourbon-coca gratos à volonté, les nanas en mini-jupes aux jolies jambes, et quand on était pafs, on dansait comme des tarées sur une estrade d’où les voyeurs pouvaient voir … pas grand’chose car les strings n’existaient pas et on portait culotte. Parfois, monsieur Eddie Barclay débarquait avec sa clique et il offrait le champ à tout le monde. Nous, il nous ramenait chez lui et nous faisait danser au bord de sa piscine tandis que ses invités connus se poussaient à la baille les uns après les autres et gueulaient parce que leurs montres prenaient l’eau. Y z’avaient pas encore de montres étanches, eux non plus d’ailleurs l’étaient pas, parce qu’on les emmenait souvent aux urgences pour les vider. Y avait Sacha qui prenait sa guitare sur le coup de l’aube et il croonait. Quelques couples faisaient l’amour dans les fleurs et moi je m’endormais de toute façon dans la balancelle. Dès que je fumais un joint, toc, dodo. Voilà.
Aujourd’hui le lieu est devenu une permanence pour des sans foyer, c’est pas la même ambiance. Mais à Noël et au premier de l’an, il y avait des rires qui fusaient et des bouchons de champagne qui pétaient. Y en un qui est sorti tout éméché, de blanc vêtu, je vous jure, on aurait dit Eddie Barclay. Sauf qu’il était avec une vieille. Là, je me suis dit : non, c’est pas lui !

Texte et photo © dominiquecozette

Vive la galette !

C’est tout bête, mais les hommes sont bêtes. Ils étaient une petite bande de potes, tranquille, et y en a un qui dit : Tiens, si on tirait les reines ? Et ils ont commencé à broder autour de ce thème récurrent de l’épiphanie et ils en sont venus à se demander si untel ne tirerait pas la reine d’untel et coetera. Et des choses ont fusé du genre ça me ferait mal aux c… de la tirer , c’est un thon. Ou au contraire, tu parles ! Y a longtemps que tout le monde la tire, ta reine ! Vous voyez l’ambiance. Alors ils ont commencé à se foutre dessus grave et ça a dégénéré en baston et puis toute la bande élargie s’y est mise, les quartiers, tout ça, ça a sorti des lames, des feux et puis y a une balle qu’ a été tirée. Et puis Y a Momo qu’est tombé. Momo qui passait par là pour aller acheter une petite galette à sa mère et à ses soeurs. Et tous ces cons se sont barrés. Y en a un qui a même dit : c’est Momo qui a eu la fêve. Mais ça a fait rire personne. Voilà cette triste histoire.

Texte et dessin © dominiquecozette (d’après une sculpture au Musée d’Orsay).

Merci qui ?

Faisons tous comme Philippe Katerine en cette saison d’agapes, remercions chacun des animaux sacrifiés à notre gourmandise.

Poulet N°728 120
Poulet de Vendée
Elevé en plein air
89 jours et 90 nuits

Parmi 380 autres poulets
Alimenté avec 75% de céréales
Le 3 décembre 1998
A l’abattoir de St Fuljean
Electroculté, Vidé, déplumé, lavé, conditionné, labellisé le poulet

Le 11 décembre 1998
je l’ai acheté 52 francs 55
Chez le boucher chauve,
Rue de la bastille.
Je l’ai mangé chaud le midi,
Froid le soir, avec une bouteille de vin rouge.
Je l’ai adoré le poulet

Poulet N°728120
Je t’aime, je pense à toi.

Chanson © Philippe Katerine / dessin © dominiquecozette

Tenue de réveillon

J’sais pas quoi mettre ! J’ai rien à me mettre ! J’sais pas quoi mettre ! J’ai rien à me mettre ! J’sais pas quoi mettre ! J’ai rien à me mettre ! J’sais pas quoi mettre ! J’ai rien à me mettre ! J’sais pas quoi mettre ! J’ai rien à me mettre ! J’sais pas quoi mettre ! J’ai rien à me mettre ! J’sais pas quoi mettre ! J’ai rien à me mettre ! J’sais pas quoi mettre ! J’ai rien à me mettre ! Ouais ben j’irai pas à leur réveillon ! Y se passeront de moi. J’ai pas envie de passer pour une nase. Merde, qui c’est qui m’appelle encore ? Allo ? Ah, c’est toi ? Oui… oui… oui… non pas du tout j’étais en train de bouquiner… un vieux livre … attends, je regarde … les illusions d’optique, c’est marrant comme tout … oui … bien sûr et toi ? Oh, super, tu t’habilles en pingouin et tout ça ? Une robe longue ? Evidemment que j’ai une robe longue mais je l’ai déjà mise l’an dernier et un connard m’a vomi dessus, ça te rappelle rien, peut-être ! Ouais, ciao et bonne bourre ! Cling ! (façon de bruiter le téléphone qu’elle raccroche brutalement.) Connard, ce mec ! Et puis quoi ? M’inviter au dernier moment !
Putain, J’sais pas quoi mettre ! J’ai rien à me mettre !
Allo, Iris ? Tu fais quoi ce soir ? Ouais pour le réveillon, pardi ! Rien ? Et si on se bourrait vite fait une petite valise, qu’on se pointe à Roissy et qu’on prenne le premier… ah, pas envie, c’était marrant pourtant l’autre fois ! Bon, bah… Bon bah OK, je viens comme ça, hein, tu me jures que tu me refais pas le gag des invités surprises ? … Quoi, des chaussons ? Un plan bourrage de tronche en chaussons ?  C’est trop ouf ! Bon, OK, je saute dans mes charantaises et j’arrive, à tout’ ! Cling (façon de bruiter le téléphone qu’elle raccroche dubitativement )… Merde !!! J’sais pas quoi mettre ! J’ai rien à me mettre ! J’ai pas de chaussons ! Ce que c’est chiant, ces réveillons !!!

Texte et dessin © dominiquecozette

Moi, nue, sur FB

Cette photo de moi qui a fait le tour du monde en 2018 a été prise lorsque j’avais 12 ans. C’est ma mère qui, très fière « de la belle jeune fille » que j’étais en train de devenir, l’a postée sur Face Book pour se vanter auprès des copines et des copains. Je ne vous raconte pas  les commentaires croustillants que ça a généré. Ce n’était pas pour me nuire, elle était juste ravie de m’exhiber, ainsi que mon petit frère avec sa zigounette au vent … de nous immortaliser. C’est le mot, car depuis que je suis connue, ces photos ornent les magazines dès qu’il est question de moi, comme vous le savez. Alors tant pis, j’ai attaqué ma mère et figurez-vous que j’ai gagné : n’ayant pas respecté mon droit à l’image lorsque j’étais mineure, elle a été condamnée à me verser des dommages et intérêts. N’ayez crainte,  les droits d’auteur de ma mère suffiront largement à couvrir cette somme, vu ce que ses best-sellers lui rapportent depuis que je suis en pleine lumière. Nous ne sommes pas brouillées, je voudrais simplement qu’elle arrête de raconter ma vie et qu’elle se mette enfin à vivre la sienne. C’est trop demander que ma mère de 45 ans se fasse cloner comme tout le monde et  s’occupe du rejeton avec amour et égoïsme ? Qu’elle me lâche une bonne fois, en un mot ?

Texte et dessin © dominiquecozette

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