Arnaud Fleurent-Didier met Villepin (en musique)

Villepin jeune
Villepin jeune

Arnaud Fleurent-Didier (écouter sa chanson « La reproduction » sur mon blog du 10 janvier, avec pour titre « Une des chansons les plus intelligentes de ces dernières années ») tout le monde en parle comme d’une révélation. Ce qu’il est puisqu’il vient d’être amplement révélé par les medias papier les plus influents. Il est certainement passé à la télé, mais je n’ai pas le nez dessus.
Comme il aime à le raconter, et excusez-moi mais moi ça me fait rire, que voulez-vous, il a mis en musique le discours de Dominique de Villepin contre la guerre en Irak à l’ONU. C’était en 2005.  » J’ai trouvé ce discours gaulliste beau et lyrique. Pour moi, Villepin s’opposait à Colin Powell avec sa grosse voix darth-vaderienne, comme le cinéma d’Yves Robert s’oppose au cinéma hollywoodien. La musique est lyrique, avec des choeurs un peu ridicules; on dirait une pub Ricorée. Pour moi, Villepin, c’est OSS 117, le type du héros français flamboyant et ridicule qui, dans le film, finit par se faire sodomiser sur une plage au Brésil… » Propos recueillis par Fabrice Pliskin dans le Nouvel Obs du 21 janvier 10.

Dessin peint et texte à part la citation © dominiquecozette

Une des chansons les plus intelligentes de ces dernières années

La reproduction, d’Arnaud Fleurant-Didier à écouter ici le clip

Il ne m’a pas appris l’anglais,
Il ne m’a pas appris l’allemand,
Ni même le français correctement.
Elle ne m’a pas parlé des livres,
De l’histoire des idées,
Pas de politique à suivre,
Pas de mouvements de pensées.

Elle ne m’a rien montré de pratique,
Ni cuisine, ni couture,
Faire monter une mayonnaise,
Monter une SARL, tenir un intérieur.
Il ne connaissait pas grand chose en mathématiques,
Ni équation de Schrödinger.
Mais pour être honnête,
On avait veillé à que je perfectionne mon revers a deux mains,
Que je fléchisse bien sur mes jambes, mais ça n’est pas resté,
ça n’est pas rentré.
On m’a donné un modèle libérale, démocratique.
On m’a donné un certain dégout,
Disons désintérêt de la religion.
Mais il ne m’a pas dit à quoi servait le piano
Ni le cinéma français qui pourtant le faisait vivre.
Elle ne m’a pas dit comment elle s’était mariée, trompée, séparée,
Ni donné d’autre modèle à suivre.

On ne m’a pas parlé de Marx, rival de Tocqueville,
ni Weber, ennemi de Lukacs,
mais on m’a dit qu’il fallait voter.
Elle ne m’a pas caché l’existence mais a tu celle de
Rousseau, de Proust, de Mort à Crédit.
Ils n’ont fait aucun commentaire sur mai 68,
Ni commentaire sur la société du spectacle,
Mais ils savaient que Balzac était payé à la ligne
Et qu’on pouvait en tirer un certain mépris.

Ils ne connaissaient pas d’histoires de résistance ou de Gestapo
Mais quelques arnaques pour payer moins d’impôts.

Ils se souvenaient en souriant de la carte du PC de leur père
Mais peu de De Gaulle, une blague sur Pétain, rien sur Hitler.

Ils avaient connu le monde sans télévision mais n’en disaient rien.
Ils n’avaient pas voulu que je regarde « Apocalypse Now »
Mais je pouvais lire « Au cœur des Ténèbres »,
je ne l’ai pas lu. On ne m’a pas dit que c’était bien.

On ne m’a pas dit comment faire avec les filles,
Comment faire avec l’argent, comment faire avec les morts.
Il fallait trouver comment vivre avec demi-frères, demi-sœurs, demi mort, demi -compagne, maîtresses et remarié,
Alcoolique, pas français fils de gauche : tu milites, milite,
Fils de droite : hérite, profite.

On ne m’a pas donné de coups,
On m’a sans doute aimé beaucoup.
Il n’y avait pas de chose à faire
À part peut-être polytechnicien.
Il n’y avait pas de chose à ne pas faire,
À part peut-être musicien.

Elle m’a fait sentir que la drogue était trop dangereuse,
Il m’a dit que la cigarette était trop chère,
Elle m’a dit qu’une fois elle avait été amoureuse,
Elle ne m’a pas dit si ça avait été de mon père.

Elle ne m’a pas dit comment faire quand on se sent seul,
Il ne m’a pas dit qu’entre vieux amis, souvent, on s’engueule.
On s’embrouille, que tout se brouille, se complique, qu’il faudrait faire sans.

Elle ne m’a rien dit sur Freud et j’ignore Lacan
Pas de conseils ni de raisons pratiques.
Pas de sagesse de famille, pas d’histoires pour faire dormir les enfants,
Pas d’histoires pour faire rêver les grands.
Il ne soufflait mot de la Nouvelle Vague,
Et de tout ce qu’on voyait avant
Mais parlait du Louvre comme d’un truc intéressant.
On ne disait rien sur Michel Sardou
Mais on devait aimer Julien Clerc 
On m’a parlé d’un concert.
Sinon je ne sais rien des pauvres, 
Je ne sais rien des restes d’aristocrates,
Je ne sais rien des gauchistes, 
Je ne sais rien des nouveaux riches,
On ne parlait pas de cathos, ni de juifs, 
Ni d’arabes.
Il n’y avait pas de chinois.
Elle trouvait que les noirs sentaient 
Elle n’aimait pas les odeurs 
Lui, lui s’en foutait.

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