il aura la femme…

Ce con !  Il était là, à faire le kéké avec son Audi. On lui avait appris que s’il avait l’argent, s’il avait le pouvoir, s’il avait une Audi, il aurait la femme. Ah, pour ça, la femme, il l’a eue ! Elle ne s’est pas fait prier. Ça a commencé tout à fait conventionnellement, genre : c’est à vous, cette belle bouche à pipe ? A quoi, elle rétorqua : oui, j’aurais pas besoin de l’ouvrir bien grande avec toi, p’tite bite ! Et toc.
Deuxième round assez con : c’était le dîner le soir même avec l’intermédiaire qui devait l’introduire auprès du ministre, pour développer son marché en Extrême Orient. Entre autre. Et là, blam, qui s’assoit face à lui ? Elle, la femme de l’intermédiaire. Il se mis à bander dur et elle à lécher ses lèvres. La table était trop vaste pour qu’ils se fissent du pied. Ils le prirent un peu plus tard dans les luxueuses toilettes du Lieu (le nom du bazar), debout vite fait. Non seulement, elle était petite, mais encore elle était pressée. Je parle de sa queue. Elle apprécia. Elle n’aimait pas les porcs qui placent leur puissance là. Plus vite c’est fait, mieux c’est. Ils firent donc affaires (de cul) tous les deux, elle continua à l’appeler p’tite bite malgré ses atermoiements.
Ils partirent à Shangaï avec monsieur le Ministre et son intermédiaire aux frais du contribuable que je suis. C’était une vraie salope. Je veux dire une saleté. Qui ne pense qu’à elle et au fric de ces messieurs. Ça s’attire toujours, ces gens-là. Bref, elle lui en fit baver des ronds de châteaux, vomir des pépettes, paumer sa confiance, perdre sa mâle assurance. Elle l’essora avant de le quitter non sans avoir fait savoir dans le tout Paris-London-Zurich et Saint-Tropez, ses endroits, qu’il ne valait pas un pet au lit. Elle bousilla même son Audi pour lui apprendre à vivre. Elle l’oublia instantanément dans les bras d’un boxeur célèbre qui la remit dans le droit chemin, celui de l’humilité face à l’homme.
Quant à notre audiphile, la personne qui lui avait promis qu’il aurait la femme fut retrouvée nue et saucissonnée dans un parking de la porte Champerret, le visage broyé. C’est une sale histoire, non ? Mais c’était vraiment une sale pub !

Texte et dessin © dominiquecozette

Marie Billetdoux : vous m’en mettrez un gros kilo.

« De ma vie depuis que je vous connais, et pas plus depuis la naissance d’Augustin qu’avant, je n’ai demandé ni fleurs, ni compliments, ni serments, ni présence, ni amour, ni fidélité, ni sexe, ni comptes, sans jamais pour autant, que je sache, vous faire défaut. Aussi n’ayant rien demandé, n’ai-je rien — ou seulement ce que vous voulez bien me donner, seulement ce que vous voulez bien faire — et j’assure le reste.
Aujourd’hui 13 octobre 90, je demande :
– au motif que selon le rapport inverse, n’ayant rien demandé, je ne vous dois rien, même pas un garçon bien élevé. Je demande à ne pas être insultée ni condamnée devant lui dans mes actes, dans ce que je peux, dans ce que je demeure, dans ce que je survis au cours de ces quelques heures hebdomadaires où, tout à coup, vous nous jouez les grands chefs, les monsieur-je-sais-tout, au mépris de la vie de tous les jours et de son évolution un peu chaque jour.
Si ce petit garçon à l’heure du dîner exige « des bouchées en marchant », c’est peut-être aussi que sa maman ne va pas très bien tous les soirs, qu’ils y trouvent l’un et l’autre en votre absence un accord et une forme d’équilibre qui leur appartient.
Puisque je l’autorise à manger en marchant quand vous n’êtes pas là, je ne me vois pas tout à coup l’obliger à rester à table quand vous êtes là. A vous de vous adapter ou de changer quelque chose…. »

Extrait d’une des centaines de lettres de cette énorme somme de Marie (ex-Raphaëlle) Billetdoux qui rassemble ici 40 ans de sa vie par le biais de correspondance avec les siens, de l’amour fusionnel à la haine ou la rupture finale, de coupures de presses, de lettres d’admirateurs, de correspondance cahotiques avec ses éditeurs, de relevés de comptes d’auteur, de mises en demeures, de demandes d’aides à l’écriture ou aux distinctions, d’attestations de sa vie de couple, de  compte-rendus de procès, de bulletins scolaires, d’examens médicaux, bref tout ce qu’on peut amasser. On subit ses éclats de voix, ses jérémiades, ses larmes, son fiel mais aussi sa pathétique détresse et ses tentatives de tout vouloir expliquer, ses intimités, son autisme social, sa personnalité paranoïde, sa sensibilité versus sa grande force de caractère, son dénuement parfois qui l’oblige à quémander, ses démêlés avec des producteurs, des réalisateurs, des notaires, sa famille, ses maisons d’éditions, des biographes et tant d’autres. Elle ne cesse d’être procédurière et méfiante et harcèle jusqu’à avoir la réponse aux manquements.
Je ne la trouve pas sympathique mais on peut s’apitoyer sur cette sorte de monstre de la solitude sempiternellement victimisée par les autres et se battant pour rétablir un amour, un honneur, une droiture.
L’un des intérêts de cette somme de 1500 page et 1,3 kg qui fatigue le bras dans le lit est de voir l’évolution de cette personnalité dans ce métier aride d’écrivain. On y arrive en survolant de nombreuses pages mais d’autres sont passionnantes notamment les lettres de et avec sa mère.

Marie Billetdoux dans  C’est encore moi qui vous écris (1968-2008), Stock, 2010.  1481 pages. 1,3 kg.
Libé en parle assez bien ici mais aussi le Nouvel Obs et quelques autres (voir sur Google)

Texte et dessin © dominiquecozette. Pourquoi un panier à oeufs ? Je n’avais rien d’autre qui se rapprochât du sujet. je ne sais même quand comment est Marie B ni quel est le son de sa voix. C’est vous dire si je suis arrivée dans cette friche sans aucun a priori.

Social media & sharing icons powered by UltimatelySocial
Twitter