Un road trip bienfaiteur

Personnellement, j’adore les road-trips américains, les types qui n’ont souvent plus rien, ou plus rien à attendre de leur vie, ou qui végètent dans une existence sans intérêt, ou qui ont besoin d’un shoot d’adrénaline pour ressusciter, ou qui ont quelque chose à fuir, un chagrin d’amour par exemple, ou qui veulent tout bêtement revivre la Route de la Beat Generation, ses Kérouac, Cassady et consorts.
Idiot wind rassemble tous ces prétextes à tailler la route. Idiot Wind est une expression qui correspond à la petite voix idiote qui vous pousse à faire des conneries. C’est bête, Peter Kaldheim aurait dû réussir sans problème, il avait étudié dans une bonne université et avait un diplôme qui le destinait à une voie fleurie dans la littérature. Voilà, il voulait devenir écrivain. Il admirait nos deux héros de la Route et bien d’autres, des poètes aussi. Mais il s’est laissé tomber dans l’alcool et la dope, n’a pas su dire non à un petit trafic qui lui permettait de se maintenir entre deux trips, il a perdu le sens commun et aussi ses maigres possessions, et surtout, l’imbécile, il a trahi son fournisseur, l’impitoyable Bob la Batte en ne lui payant pas les doses de coke  qu’il avait claquées dans un feu d’artifice d’inconscience.
Revenu sur terre lorsqu’il a su que Bob la Batte attendait le fric, il a fui la Grosse Pomme tel quel, son manteau, son portefeuille vide (il a escroqué une gentille cliente pour se payer un trajet de Grey Hound).
Mais c’est le Blizzard, rien ne va lui être épargné. Il parvient quand même à partir, il faut voir dans quelles conditions et petit à petit, en voulant gagner l’Ouest où il pense naïvement qu’on l’attend, il va trouver de bonnes âmes sur la route du stop ainsi que des foyers de charité, très inconfortables certes, mais qui lui sauvent la vie. Durant les huit mille kilomètres qu’il parcourt contre vent et marées, dans la crasse, la pluie, le froid, la peur, les nuits à la belle étoile, les menaces policières, il fait preuve d’une force de résistance inouïe face à l’alcool que lui offrent ses compagnons de route…
Le long passage sur la pause de plusieurs mois qu’il effectue à Portland nous montre combien il y a d’assos, très souvent religieuses, qui se sont créées pour aider les indigents, les sans grades et sans avenir. Malgré cela, il n’a pas réussi à trouver des pompes à sa taille et durant des dizaines de pages, on souffre pour lui qui passe son temps à arpenter la ville à la recherche de petits boulots, de repas gratuits, de papiers importants, d’endroits où crécher au sec. Mais la vie continue…

Idiot wind de Peter Kaldheim, 2019, traduit par Séverine Weiss. Chez Pocket. 450 pages.

Texte © dominique cozette

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