Complètement à l'Ouest

Annie Proulx, autrice canado-américaine est considérée comme la meilleure plume du monde par Jane Campion qui s’inspire de bonne littérature pour réaliser ses film. Cette autrice est une spécialiste de l’Ouest américain, le Wyoming, en particulier. C’est elle qui a écrit la nouvelle éponyme qui a donné lieu au film « Brokeback Mountain », histoire d’amour entre deux cow-boys. Dans le livre Les Pieds dans la boue, ce texte y est avec d’autres longues nouvelles saisissantes. Il est beaucoup plus âpre que le film, dur même. Ses héros, même s’ils ont des sentiments, sont loin d’être comme des amoureux transis  mais pour autant pas moins impressionnants dans leur brutalité d’hommes des fermes, des forêts, de la nature.
Ce n’est pas une romantique qui fait dans la dentelle, Annie Proulx, c’est une pétroleuse de l’écriture, du cru et du cuit, de la chose qui fâche ou qu’on ne raconte pas, des traumas qui remontent en remous, des sexualités déviantes. Pas de complaisance ou de détour, elle plante son pieu où elle veut, comme disait Tarzan. Ici, tout tourne autour des ranchers, cow-boys, rodeomen et autres vachers des vastes plaines, taiseux, subissant puis explosant. Les femmes ne sont mieux loties mais elles existent pleinement, loin des nanas des westerns aux seins remontés. Elles sont fortes, ont une grande gueule et ne craignent pas de mettre la main dans le cambouis, notamment des tracteurs vicieux et à mettre bas des chapelets de marmots de même sexe, sept filles ici, onze garçon là, ou même, ça arrive, de foutre à l’eau un bébé criard de la fenêtre du wagon.
Hommes comme femmes sont des durs à cuire (et à cuir de vaches), ne connaissent pas le confort, peuvent puer sans le savoir, mais aussi harceler lourdement une vieille parce que Popaul se réveille brusquement à cinquante balais.
Dans ce livre, on apprend énormément sur les rodéos, les bêtes utilisées, les réels dangers de ce gagne-pain, la vie sordide de ceux qui s’y adonnent aveuglés de leur passion incompréhensible, le peu de respect que cela représente. On y apprend aussi sur la mécanique des tracteurs, la nature des sols gelés, inondés, secs, arides. Les paysages sont incomparable et la nature est rude, les histoires d’amour sont succinctes ou muettes. Une des nouvelles montre en raccourci la vie d’un homme qui a fait tous les métiers jusqu’à sa mort, remontant sans arrêt une affaire qui se ramasse, s’embauchant dans des jobs de merde, recommençant d’autres aventures, se rétamant à nouveau, jusqu’à l’accident final. Peu de ses héros meurent dans leur lit. Leur disparition est tragique, ou cocasse, ou sidérante.
Si je n’étais pas vaguement féministe, je dirais que ce livre, on dirait qu’il a été écrit par un mec costaud, rude, un alcoolo intempestif. Mais bon, je l’ai dit. C’est musclé et paf, dans la gueule ! Magnifique en tout cas.

Les Pieds dans la boue d’Annie Proulx. Titre original : Close range, 1999.  Au livre de Poche. 340 pages.

Texte © dominique cozette

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