Le livre s’appelle Désolations, mais en anglais plus sobrement Caribou Island, c’est le deuxième d’un auteur talentueux, David Vann, dont le premier a reçu le Médicis étranger 2010.
Ça se passe dans le riant (!) Alaska où il fait moche, où les villages sont moches, où le temps n’est pas terrible et où l’ennui rôde avec les ours affamés. Je ne vais pas vous narrer le pitch mais sachez que j’ai trouvé l’aventure de ces quelques couples passionnante, qui interroge sur l’amour, le mariage, la (ou l’in) fidélité, la pertinence à rester coûte que coûte ensemble alors que chacun pourrait sauver sa peau loin de l’autre et que tout irait mieux, même pour les grands enfants. L’égoïsme pharamineux du mari qui, équipé d’oeillères et rétif à toute anticipation, décide d’aller construire une cabane pour y habiter avec sa pauvre femme affligée brusquement d’une migraine monstrueuse et insoignable. Le lieu : une île inhabitée, sans rien donc, ni électricité ni eau ni réseau. Ils y accèdent en barcasse, essuient des tempêtes, en attendant d’y être bloqués par les glaces. Le premier problème : il ne sait pas comment ça se construit, une cabane. Il ne fait pas de plan, improvise, esclavagise sa femme malade, lui fait trimballer les rondins, les plaques de tôles. J’espère toujours qu’elle va le laisser à son destin, dans sa hutte, et reviendra à une vie plus normée mais que voulez-vous, elle ne peut pas vivre sans lui. Un roman d’amour ? Euh, l’amour a un sale goût, je vous le dis tout net !
Ça fait sinistre, ça l’est, mais il y a les aventures parallèles de leurs enfants en couple, les pièges tendus, le suspense d’une trahison. Ça égaie vaguement l’île perdue, le froid, la tempête, le conflit qui monte dans ces tentes glaciales où agonise le lien parental.
C’est écrit au cutter, c’est acide mais, avantage certain, ça fait apprécier la couette sous laquelle on est bien au chaud pendant que la glace commence à prendre dans les dernières pages de ce roman … sans issue ? J’ai adoré et vais me jeter sur le premier livre, Sukkwan Island de cet écrivain insulairophile.
Large extrait de l’Express ici. Ça donne une idée de l’ambiance.
Désolations de David Vann, 2011, chez Gallmeister.
Texte © dominique cozette