C’est un livre atypique que l’on m’a passé. Il s’appelle 911, le numéro d’urgence aux Etats-Unis, bien que le titre original soit black flies, ces sales mouches qui s’agglutinent sur les cadavres pas frais. Je vous confirme, rien de bien gai dans tout ça. Assez trash même. Mais l’écriture de Shannon Burke est telle qu’on a l’impression de voir une super série très noire.
Ça se passe à Harlem, la nuit, là où s’étripent les mecs en manque, où crèvent les clodos, où claquent les overdosés, où accouchent les accros au crack, où clamsent les angoissés, où se suicident les désespérés. Tout un monde de losers, d’inutiles, de gens foutus. Selon certains des ambulanciers du livre, pas tous.
Le héros, étudiant en médecine ayant raté le concours, a choisi de faire le boulot pour se perfectionner. Il surmonte avec difficulté son dégoût, ses répulsion, sa peur de faire souffrir mais de toute façon n’échappe pas à l’horrible bizutage. Il reste bleu assez longtemps, trop sensible, peut-être, trop consciencieux.
Il fait équipe avec un mec bien cynique, le genre taciturne, misanthrope. Chaque nuit, le cauchemar des vies de merde auxquels ils sont confrontés reprend. Sa copine, en médecine elle, a beau le mettre en garde contre le changement de mentalité qu’apporte nécessairement ce job, il s’entête à s’enfoncer dans une cuirasse de détachement et de solitude. Il ne communique plus avec personne sauf ceux de son unité. Après une faute grave commise par son équipier, il prendra pour modèle le plus hard d’entre tous, et ira jusqu’au burn-out. Ce qui l’aidera peut-être à réagir.
L’écriture de Burke est incisive, claquante, acérée, sans fioriture. Son style est bétonné, noir, sans joie, sans humour. Il a été urgentiste, bien sûr. L’étonnant, c’est que l’on voit tout ça comme dans un film. Les sales quartiers de NY, les bruits, les odeurs, les cailleras, les putes, et parmi ça, parfois, un peu de tendresse. Très très peu, comme tombée par hasard dans un interstice de phrase. Un bouquin sauvage !
911 de Shannon Burke aux éditions Sonatine. 2008. 2014 pour la traduction française (Diniz Galhos). 206 pages.
Texte © dominique cozette