Trop de santé nuit grave

C’est l’histoire d’une copine dont la vieille mère se défait. Shunte longuement. Décline. Dévit. Une belle et grande femme jadis pêchue, toujours sur la brèche (si quelqu’un peut m’envoyer une photo de brèche, merci), faisant l’admiration de tous par son dynamisme, sa force physique, son allant. Une femme comme on rêve tous (ou toutes ?) de l’être, toujours partante, jamais abattue, positive, gaie, heureuse de vivre.
Et puis dzooooiiiiinnnnng ! Y a un ressort qui a pété dans la timonerie. Un fusible qui a cramé. On ne sait pas trop quoi. Et la sénescence a commencé son triste job. Au début, ça allait encore, elle avait toute sa tête, mais plus trop la patate. Et puis plus trop la tête. Et puis plus du tout la tête et encore moins la patate. Des années qu’elle nous fait du fading. Elle est devenue toute pliée, toute petite, toute légère, 35 kg toute mouillée. Elle ne sait plus grand chose de ce qu’elle a été. Bien entendu, elle ne reconnaît plus les siens. Elle semble malheureuse, elle a peur de mourir, elle a peur de vivre, elle souffre, elle geint. Ses enfants ne la reconnaissent pas non plus : ce n’est plus leur mère, cette petite chose enchifrenée, ce petit animal indéfinissable qui peine à vivre, à se nourrir, à rester ou à partir.
Et le paradoxe de cette sorte d’agonie sans violence mais insoutenable, c’est que cette femme possède des organes en airain. Elle a tellement pris soin d’eux toute sa vie en s’alimentant bio, végétarienne, sans excès, équilibré, les écoutant quand ils la sollicitaient, pratiquant des activités toutes plus saines les unes que les autres, qu’ils ne sont pas usés. Elle tient le coup, disent les médecins, grâce à sa parfaite hygiène de vie. Mais ça ne lui apporte plus que du tracas.
Il y a quelques temps, quand elle avait conscience de son état, elle disait regretter d’avoir tant pris soin d’elle, qu’il aurait mieux valu qu’elle partât vite…
Je vous raconte ça pour dire qu’au fond, il n’y a pas de règles, pas de lois, et que ceux qui essaient de nous faire croire à-ce-qui-est-bon-pour-nous se mettent le doigt dans l’oeil profond. Peut-être faut-il se garder d’en faire trop, dans un sens comme dans l’autre. Va savoir, Balthazar !

Texte et dessin  © dominiquecozette

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