La claque du dernier Lehane

Après Shutter Island et Mystic River, Dennis Lehane nous offre un éblouissant thriller, le Silence (Small Mercies, in english), roman qui se situe en 1974 dans le quartier irlandais de Boston. Les vétérans du Vietnam sont rentrés (ou morts) et le racisme bat tellement son plein qu’une loi passée dans ces quartiers peu aisés de la ville instaure une mesure explosive : des enfants noirs seront transportés dans des écoles à majorité blanche et réciproquement. « Elle ne peut pas en vouloir aux gens de couleur d’avoir envie de s’échapper de leur trou merdique, mais ça n’a pas de sens de vouloir l’échanger contre son trou merdique à elle ». Dingue.
Dans ce contexte, Marie Pat s’inquiète terriblement de l’absence de sa fille de dix-sept ans, Jules, qui n’est pas rentrée au domicile depuis deux jours. La police, oui mais elle est tenue en respect par les mafieux irlandais et il se trouve que des amis de Jules en sont proches. Il se trouve aussi qu’un jeune Noir a été projeté contre un wagon de train dans le quartier blanc, il en est mort, et il n’est pas fou de penser qu’il s’agit d’un crime racial. Il est très rare que les Blancs et les Noirs s’aventurent dans les quartiers qui ne sont pas les leurs, des violences risquent de les atteindre.
Marie Pat, dont le fils est mort d’overdose de retour du Vietnam, et qui vit seule avec sa fille, ne supporte pas la passivité des gens du quartier qui connaissent tous ces petits jeunes, ni de la police, et qu’elle va s’investir seule dans la recherche effrénée de sa fille, sans prendre de gants avec la loi, ce qui veut dire de façon violente. Elle n’a pas froid aux yeux, elle n’a plus rien à perdre, c’est une sacrée bonne femme, elle veut faire payer ceux qui sont responsables non seulement de la disparition de Jules, mais aussi de la mort de son fils, à savoir les dealers chapeautés par la mafia locale.
Comme toujours dans les livres de Lehane, les histoires sont abondamment développées, il nous fait réellement prendre part à la vie du quartier, un endroit qui pourrait être tranquille si ne sévissaient pas pauvreté, racisme, ségrégation, drogue. Donc la haine et la violence.
Haletant. Superbe.

Le Silence (Small Mercies), de Dennis Lehane, 2023, traduit par François Happe, aux Editions Gallmeister. 496 pages, 25,40 €

Texte © dominique cozette

Le Diable à Westease.

Paru en 1947, le Diable à Westease est un polar de Vita Sackville-West, romancière, poétesse, historienne. Il paraît qu’elle adorait Agatha Christie et c’est peut-être pour cela qu’elle s’amusa à écrire ce polar d’une facture très classique. Un jeune homme qui vient de finir sa carrière d’aviateur en temps de guerre, cherche un coin tranquille où s’installer définitivement. Le village de Westease, avec ses accès difficilement carrossables (il roule en Jaguar), lui paraît l’endroit idéal, tranquille, sans commerces pour touristes car pas de tourisme ici et un pub où les gens sont d’un abord agréable. La campagne alentour est magnifique et, par chance, une maison est en vente. Parfait. Là, il fait des rencontres, celle d’un peintre habile qui le met mal à l’aise, d’emblée, sans raison objective et qui sera l’un des personnages importants de l’histoire. Un vieux numismate très érudit, bienveillant, ouvert mais ne bougeant pratiquement pas de son vaste bureau où sont rassemblés ses trésors, servi par une femme simple. Un pasteur accorte, aimé de tous, affublé d’une femme malade acariâtre qui passe son temps dans sa chambre, et leur fille, très belle jeune femme franche, directe, qui circule sur son cheval.
Roger, ce jeune homme, est écrivain, solitaire et mène une vie sobre. Il s’est acheté un chien et ne semble pas prêt à écrire un nouveau roman. Mais un beau matin, on lui annonce que le pasteur a été assassiné. Et de manière très originale, sans souffrance cependant. Bien sûr, il est plein de compassion pour sa fille, Mary, dont il n’est pas amoureux. Pour elle, il va s’associer de façon officieuse au commissaire de police venu de Bristol pour mener une enquête difficile. Mais que trouvent-ils ? Pratiquement rien. Les indices laissés par l’assassin ne les éclairent pas, et personne ne souhaite de mal au saint homme.
Un petit roman délicieusement suranné mais dont on a très envie de connaître la fin.

Le Diable à Westease de Vita Sackville-West, 1947. Traduit de l’Anglais par Micha Venaille. Aux Éditions Autrement, 205 p., 16 €.

© dominique cozette

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