Ma nuit avec la star

Ma lentille !

C’est une star énorme. Quand je dis énorme, je ne parle pas de son physique ! Comme la plupart des hommes formatés par leur époque qui est celle d’aujourd’hui, je préfère les minces, les maigres, les longues tiges mais avec quelques rondeurs, même artificielles, bien placées, car c’est elles qui ont de la valeur de nos jours donc qui font bander les hommes comme moi, superficiels, un peu nases et d’une virilité assez douteuse. Cette dernière  étant dûe à la pétrochimie qui déverse sur la planète des tonnes d’oestrogènes et augure d’une mutation  qui donnera des seins aux mecs dans quelques décennies. Veinards ! Ils pourront enfin tripoter des nichons à longueur de journée sans être obligés d’acheter des fleurs ou d’inviter chez Lipp.
Donc star énorme quant à sa célébrité planétaire. Vous la connaissez tous mais pas question de livrer son nom. Non, non, je suis une tombe. Bref, à l’issue d’un shooting, elle m’a branché sans vergogne, me demandant de la raccompagner dans son domicile parisien, dans sa voiture avec chauffeur. J’exécutai de bonne grâce, étant venu dans cet espoir. Elle me fit monter puis, dans son intimité très kitsch, me prépara quelques babioles dans son « galet », c’est ainsi qu’elle appelle son bloc-cuisine au milieu de son loft. Mais avant, elle me demanda de faire le clap de début puis le clap de fin. J’ai besoin de ça pour me mettre dans l’ambiance, s’excusa t-elle. Je suis tellement trop actrice !
Nous bûmes en picorant des petites choses sucrées-salées de toutes les couleurs. Puis elle m’invita à faire un autre clap de début. Elle ajouta : vous ferez le clap de fin lorsque je serai nue.
Ce corps que j’avais vu sous toutes les coutures — c’est le cas de le dire — emballa vite mes sens mais j’eus la politesse de me contenir durant ce show très privé. Ce fut très gracieux, elle était très pro. Elle m’entraîna dans sa chambre ronde et sur son lit rond.
Avant même que je la touche, elle clapa et dit, d’une voix affirmée : moteur.
Je vous jure que ça fait bizarre. Je m’attendis à voir une équipe technique sortir des murs pour filmer nos ébats, cela me fis débander, légèrement, mais visiblement. Gentiment, elle dit : On la refait. Clap. Moteur ! Ça tourne. Ajouta t-elle. Cela ne contribua pas à me remettre en forme. Popaul se recroquevilla un peu plus. Alors, elle cria : Maquilleuse ! Et avant que je ne réalise, elle me prit en bouche et s’activa habilement à me rendre présentable. Elle me lâche et me redit : On la refait.
Clap, moteur, ça tourne. Silence sur le plateau !!! Hurla t-elle.
Je ne suis pas de bois — d’habitude, on dit ça pour le contraire —  je veux juste signifier que le bois dont on fait les flûtes s’étant à nouveau ramolli, elle rappela la maquilleuse pour arranger tout ça. Je lui suggérai, pour la nouvelle prise, d’être un peu plus sobre si elle voulait que la scène soit réussie.
Clap, moteur, ça tourne. Je me mis sur elle, banalement, et, au moment où je la pénétrai, elle cria :  Coupez ! On l’a !
Aïe. Ça fait mal. Très mal. Couper une érection, franchement, on ne me l’avait jamais fait. Pourtant, on m’en a fait !  La semaine d’avant, c’est la splendide brune qui me fit chercher sa lentille tombée sous le lit puis, au bout de cinq minutes, me montra les photos qu’elle avait prises de mes fesses pour sa « collec ». Elle ne baisait pas avec les inconnus.
Pour en revenir à notre histoire, je fus vertement  éjectée de son corps. Elle sauta du lit, me dit bravo, les essais sont concluants, on vous contactera, merci.
Je me rhabillai, la mine (pour être poli)  déconfite. Elle était déjà au téléphone lorsque je pénétrai dans le salon. Elle me regarda partir d’un air neutre.
Je fus mitraillé par un trio de paparazzi pré-retraités en sortant de l’immeuble. L’un d’eux ricana en mimant une paire de ciseaux. Je fis semblant de ne pas comprendre mais je vais vous dire, messieurs : arrêtez de fantasmer devant les actrices internationales, elles sont toutes timbrées.

Texte et dessin © dominique cozette

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