La Féroce ou la fée rosse ?

La Féroce de l’Italien Nicola Lagioia exerce une attraction étrange  sur la lectrice que je suis. Cela tient partiellement à son sujet, l’histoire de Clara Salvemini, jeune fille puis femme libre et libérée, au sein d’une famille tragiquement italiana. Le père est un entrepreneur sans scrupules, bravant les interdits, pratiquant menaces et pots de vin, mouillant ses propres enfants dans de malsaines affaires de bétonneur de côte, voulant garder la main sur tout. Sa femme tient tête tant bien que mal malgré ses infidélités et son caractère ombrageux et les quatre enfants tentent par tous les moyens de lui échapper. Clara, l’aînée, couche avec tout le monde, principalement la clique d’affairistes de son père. Le roman commence avec elle : un camionneur voit cette jeune femme nue et ensanglantée traverser la route et, pour l’éviter, se plante. Il sera gravement blessé et perdra une jambe. Mais tout le monde affirme que Clara s’est suicidée en se jetant d’un immeuble, là où l’on a retrouvé son corps. En ce qui concerne l’autopsie, le dossier du légiste, c’est l’omerta. C’est donc son frère préféré, Michele, un être border line, rebelle et insaisissable, qui va mener son enquête. C’est un demi-frère élevé avec les autres, né d’une maîtresse du patriarche morte pendant l’accouchement. Durant une longue période de leur adolescence, les deux vont être inséparables, jusqu’à ce qu’il disparaisse en lui-même et s’en aille vivre à Rome. Un deuxième fils, celui qui devait succéder à son père, coupe le cordon en devenant oncologue. Enfin la petite dernière, Gioia, qui rigole parfois mais dont on ne sait pas grand chose.
L’histoire, c’est une chose mais le plus fascinant, c’est la façon dont il la raconte. Nicola Lagioia possède un style très sophistiqué, voire ensorcelant. Les phrases qu’il écrit donnent à voir une construction de la pensée à la fois tortueuse et poétique. Parfois, on ne comprend (je ne comprends) pas tout, l’auteur ne perdant pas de temps en explications rationnelles. Parfois, le récit entremêle deux époques différentes et on doit se concentrer pour faire la part des choses. Malgré tout, on s’accroche comme à une personne impressionnante qui ne parle pas tout à fait de la même façon que nous. Enfin, c’est mon impression. Mais je ne suis pas seule à le trouver superbe puisque ce livre a reçu le prestigieux prix Strega.

La Féroce de Nicola Lagioia 2015. Paru en 2017 chez Flammarion, traduit par Simonetta Greggio et Renaud Temperini. 458 p. 23€. Ou chez Folio.

Texte © dominique cozette

Social media & sharing icons powered by UltimatelySocial
Twitter