J’avais repérée l’artiste Laia Abril en 2016 aux Rencontres d’Arles où la première partie de son travail, A History of Misogyny, avait pour sous-titre « on abortion », et je la retrouve (attention, c’est jusqu’au 22 février) dans la bien-nommée galerie Les Filles du Calvaire où elle traite cette fois le viol. Cette jeune artiste, je la vois comme une sorte d’historienne, de journaliste ou de sociologue tant elle affiche plusieurs pans de ses sujets qu’elle recueille avec photos et précisions narratives pour nous en faire part. Elle dit : « En scrutant, conceptualisant et visualisant les échecs judiciaires, en tenant compte des réglementations historiques, des dynamiques toxiques et des témoignages de victimes, le projet pointe la culture du viol institutionnel répandue dans les sociétés du monde entier. Je développe ce travail en explorant les liens entre mythes, pouvoir et droit et les notions de masculinité et de violence sexuelle. » [•••] « Ce projet montre à quel point la société blâme encore aujourd’hui les victimes d’agression sexuelle, tout en normalisant la violence sexuelle. »
Au rez-de-chaussée, une petite dizaine d’immenses photos représentant chacune une tenue : une robe de mariée pour une enfant de 13 ans mariée de force, une robe de petite-fille de cinq ans violée par son instituteur jamais puni, une tenue de religieuse de femme maltraitée, un uniforme de prisonnière… etc et, au-dessus, la narration des crimes. Dans certains pays, la femme violée est lapidée, ou son père est remboursé, ou elle doit épouser le violeur, ou elle n’est pas crue, ou c’est la tradition d’enlever une très jeune fille pour l’épouser sans que la famille ne puisse l’en empêcher pour ne pas perdre son honneur.
Au premier étage, des petites photos ou des objets accompagnés de légendes sur leur utilisation par rapport au viol. Ou pour punir ou soigner les pervers…
– Un sabre vibrant « Aux filles et aux femmes qui se plaignent d’avoir été violées, il n’y aurait, il me semble, qu’à leur conter comment une reine éluda autrefois l’accusation d’une plaignante. Elle prit un fourreau d’épée, et, en le remuant constamment, elle fît voir à la dame qu’il n’était pas
possible alors de mettre l’épée dans le fourreau. » (Voltaire.)
– Kits de viol : Aux États-Unis, des milliers de kits de preuve de viol (sorte de boîte) contenant des preuves ADN n’ont pas été envoyés aux laboratoires de polices scientifiques pour analyse, ils ont soit été interceptés soit laissés tels quels. Ce problème a potentiellement empêché l’identification de milliers de violeurs.
– Photo des camps de viols en Bosnie où l’armée serbe a commis entre 12 000 et 50 000 viols sur des personne de tous âges et des deux sexes.
– Un dispositif anti-viol hérissé de pointes à introduire dans le vagin. Le pénis piégé ne peut être délivré que par un acte chirurgical.
– Gulabi Gang ,« le gang rose », est un groupe d’autodéfense indien entièrement féminin qui lutte contre la violence domestique et sexuelle. Il comprend 400 000 combattants (en 2014) armés de lathis [bâtons] et habillés de saris roses.
– La castration chimique : des médicaments sont distribués aux États-Unis, en Indonésie, en Australie, en Russie, en Corée du Sud, en Chine, au Danemark, en Suède, en Moldavie, en République Tchèque, en Allemagne ou en Pologne. Ces substances sont capables de réduire la libido, les fantasmes sexuels compulsifs et la capacité d’excitation sexuelle.
– Le physique : En 2017, le tribunal italien de la ville d’Ancône a innocenté deux hommes qui avaient drogué et violé une jeune fille de 22 ans parce que la victime présumée était » trop masculine et trop laide » pour être une cible.
« On rape » de Laia Abril à la galerie Les filles du calvaire, 17, rue des Filles-du-Calvaire 75003 Paris. Jusqu’au 22 février.