A la demande d'un tiers

A la demande d’un tiers est le premier livre de Mathilde Forget par ailleurs autrice-compositrice et interprète. Ce titre renvoie à la demande qu’un hôpital psychiatrique lui fait pour interdire à sa soeur, souffrant de troubles mentaux dangereux, de sortir. A côté des souvenirs avec celle-ci, l’héroïne égrene des saynètes, des anecdotes non dénuées d’humour de tout ce qu’elles ont vécu, notamment le suicide de leur mère qui s’est jetée du haut d’un donjon. Elle a beau mener une enquête serrée auprès, notamment, de divers médecins, elle n’obtiendra jamais de bonne réponse : ils ont tous un point de vue différent sur cette femme.
La perte de sa mère l’entraîne à s’intéresser à des orphelins comme elle, Bambi par exemple, qui l’obsède et qu’elle déteste. mais aussi sur les serial killers qui renvoient souvent à la figure maternelle. Elle étudiera les écrits de celui qui fait autorité en la matière, un Français dont la compagne fut assassinée par un tueur américain. Elle est fascinée également par les requins, va les visiter dans les endroits où c’est possible, sachant qu’ils se laissent mourir en captivité.
Ce qui est original dans ce roman loin d’être tragico-larmoyant, c’est l’impression de légèreté, de bondissement de sujet en sujet, c’est très varié, dont on sent qu’elle les a étudiés en profondeur avant de les livrer au récit, même si (je crois) ils n’apportent pas tous grand chose, comme c’est le cas des fissures des poutres apparentes, le pourquoi de la chose d’un point de vue technique. Elle cite un passage du Traité de la charpenterie (1837) d’Armand-Rose Emy. Elle nous parle du syndrome du coeur brisé, appelé takotsubo, découvert dans les années 80 par des médecins japonais. Elle raconte aussi l’histoire du château où est morte sa mère, va interroger sa grand-mère qui n’a rien d’autre à lui confier que les lettres de sa fille, la mère de l’héroïne donc, lui a écrites, pleines de détails futiles sur les vêtements et les hommes. Sa mère qui jouaient les mêmes airs de piano tous les soirs pour bercer le sommeil de ses filles.
Et puis, elle essaie de se remettre de la séparation de « la fille avec qui elle voulait vieillir » mais avec qui elle n’a pas fait grand chose, ayant elle-même provoqué le départ de peur de souffrir trop dans le cas inverse. Mais qu’elle rappellera peut-être.
Ce livre est comme un puzzle impressionniste et étrange, composé de petits morceaux d’elle et de sa sœur et de sa mère, de Bambi et du requin. Très joli petit livre.

A la demande d’un tiers de Mathilde Forget, 2019 aux éditions Grasset. 160 p. 16 €

Texte © dominique cozette

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