Journal d'un intellectuel en chômage.

Ce Journal d’un intellectuel en chômage est le titre de ce petit livre formidable de Denis de Rougemont (1906-1985), un écrivain, philosophe et universitaire suisse qui a produit une liste ahurissante d’écrits et participé à des centaines de rencontres, conférences et autres discussions publiques. Le titre et la couverture du livre m’ont attirée je ne sais pourquoi, cependant la photo de l’auteur, par ailleurs bel homme, m’a induite en erreur puisqu’il a écrit ce journal avant d’avoir trente ans. Pourquoi « en » chômage, précise-t-il en exergue ? Parce qu’un intellectuel n’est jamais « au » chômage puisqu’il réfléchit tout le temps. Mais il s’y retrouve malgré tout après la faillite d’une maison d’édition où il travaillait. Il décide alors de prendre une retraite de deux ans, au loin (de Paris), dans un trou perdu, avec sa femme, et il pointe sur … l’île de Ré. Avec juste de quoi tenir quelques semaines.
Et c’est ça qui est drôle déjà. L’île de Ré dans la fin des années 30, vu par un homme issu de la société bourgeoise. Déjà un voyage très long et éprouvant, puis la pluie pour prendre le bac et le gramophone à protéger car on le lui a prêté. Puis un car pour aller du port à l’autre bout de l’île, soit deux heures de route mal tenue pour faire trente bornes. Une maison basse sans chauffage ni eau courante. Il adore. Une vieille poule vit dans un coin, il vont la nourrir bien qu’eux-mêmes sans trop de ressources, elle va revivre et faire des petits. Sur l’île, les gens sont moches, pauvres et simples. Ce sont des pêcheurs, des cultivateurs et des sauniers (sel), mais en hiver, ils vivent de très peu. Lui aussi. Il n’a que 900 francs et l’argent fond trop vite, surtout que les manuscrits qu’il pond sur sa vieille machine sont très chers à envoyer. Son métier d’écrivain ne trouve aucun crédit auprès des gens du cru pour lesquels seul les travailleurs manuels exercent un métier. Celui d’écrivain n’existe pas car pas socialement classé, privé de  la protection des conventions. « Non seulement je ne sens pas qu’ils se méfient de moi en tant qu’intellectuel ou « spécialiste », mais encore je devine qu’ils n’estiment pas que je puisse avoir une opinion plus avertie que la leur sur les sujets que je viens de nommer. Ils ne se doutent pas que c’est de cela précisément qu’un écrivain peut faire sa « spécialité ». Et rien ne les étonnerait davantage que d’apprendre un beau jour que je m’intéresse à leurs « idées », à leur situation, à leurs problèmes, et que j’en fais parfois la matière même de mon travail … »
Denis de Rougemont étudie les mœurs des gens, leur vie minuscule, leurs croyances, leur soumission inconsciente à la pensée d’en haut (celle qui leur vient par quelques  journaux, sans esprit critique, ou celle de quelques orateurs dont la pensée ne pèse en rien par rapport à leur talent d’orateur), leur manque de désir d’une autre existence plus riche, par exemple. « Je note, à l’usage d’un futur historien des mœurs, que la presse « de droite » reflète assez exactement la mentalité et les conversations de la bourgeoisie conservatrice, alors que la presse de gauche ne reflète nullement la mentalité ni les conversations populaires. C’est que les journaux socialistes et communistes sont dirigés par des bourgeois, ou par des candidats à la bourgeoisie, en tous cas par des gens qui recherchent la « considération » du peuple. D’où le ton haineux, typiquement petit-bourgeois, de certaines de ces feuilles. Je n’ai jamais retrouvé ce ton dans le peuple. S’il en paraît parfois, par accident, quelques traces ici ou là, c’est que le peuple de France lit trop de journaux, ne lit que cela, et finit par se croire « le peuple » tel que l’imaginent les bourgeois et leurs journalistes. » Il fait intervenir ses philosophes de prédilection, Nietzsche, Kierkeegard… et commente les courants politiques du moment, marxisme, totalitarisme, capitalisme. Et puis ce qui est incongru : ses réflexions sur la condition animale, la prédation humaine, lorsqu’il s’agit de jeter les crevettes vivantes dans l’eau bouillante : « Je regrette vraiment beaucoup mais il faut que je vous mange ! Dure nécessité, et croyez que cela me fend le cœur ! »
Après l’île de Ré, un village du Gard où il va rencontrer d’autres personnes, des « gens » toujours, qui parlent drôlement (accent plus expressions locales), son rapport avec eux, le peuple (dont il parle sans mépris, d’ailleurs il ne se sent pas appartenir à une élite, loin de là), les beaux paysages qu’il décrit avec un superbe talent poétique.
Il se complaît à décrire le « grain rugueux de cette vie sans horizon, sans dimensions, qui est la vie du très grand nombre », une vie dépouillé d’art et de lien spirituel.
Puis le retour à Paris, porte de Choisy, en été. Périple assez long encore qui lui permet de comprendre les différences de mentalité entre les régions (qu’il voit comme crasseuses) et la banlieue : « les provinciaux ignorent obstinément, peut-être même haïssent la couleur verte, le soleil, la nature, la propreté. Ils aiment le noir avec fanatisme. J’observe aussi qu’ils s’arrangent pour vivre plus mal que la population des faubourgs des grandes ville. Le goût de « la vie saine » et du grand air, vous ne le trouverez que dans « la banlieue rouge » de Paris, d’ailleurs importée d’U.R.S.S., et récemment ».
Il faut lire ses notes à propos du métro, de l’ennui qui nous guette, des urbains. A la fin du livre, on devine la possibilité d’une fuite ailleurs…
Il y a beaucoup à citer dans cet ouvrage très intéressant sur le plan de l’évolution des mœurs, des idées, des styles de vie. Près d’un siècle s’est écoulé, néanmoins son récit n’est en rien démodé, son écriture est très actuelle. Et son sens de la poésie, très profond, saupoudre ce texte d’un authentique plaisir de lire.

Journal d’un intellectuel en chômage de Denis de Rougemont, écrit en 1933-1935. 1945 et 2012 aux Editions de la Baconnière (Suisse). 270 pages, 15 €.

Texte © dominique cozette

Fessebouqueries #160

Augmentation de la croissance, de la violence, des grillons, des bouchons, des harpons, des incendies à Ré, des avocats morts, des ULM, des retours de vacances… voilà ce que vous propose notre carte du jour selon arrivage.
– LB : ne supporte plus les messages privés qui débutent et s’achèvent par « cc », ou « slt » ou « slt cava? » ou « bjr » ou « tuvabien » ou toute autre forme de rhétorique simpliste dévoyée : elle prierait donc instamment chaque usager du verbe familier adepte du vocabulaire de rue, incapable de formuler une phrase correctement écrite, de s’ abstenir de lui écrire manu militari. Par ailleurs, elle n’est pas « une meuf », elle n’est pas « cool », elle ne « kiffe » personne, elle ne dit pas « grave » , elle n’est jamais « en mode de » et tutti quanti. Enfin, elle a horreur d’être tutoyée d’emblée et ce n’est pas un mince rappel. Bien cordialement.
– PL : « La France est sortie de la récession. » (Pierre Moscovici,devin) Champomy pour tous!
– CV commence à se demander si elle ne devrait pas devenir un peu raisonnable; à son âge, il serait temps.
Elle va donc tout mettre en œuvre pour organiser un réseau d’arnaque de clandestins désireux de venir s’installer en France, parce que c’est un métier d’avenir, puis elle se lancera dans la politique, et entrera au FN. En ces temps de crise, on ne peut plus guère compter que sur la misère et la connerie humaine.
– EN : Quelqu’un peut-il m’expliquer comment on débranche le détecteur qui fait que, quand tu poses tes fesses sur la cuvette des toilettes, le téléphone fixe se met à sonner à l’autre bout de la maison ?
– AB : Si on veut avoir une idée de ce que serait le monde après une attaque au gaz chimique c’est simple, il suffit de rester à Paris au mois d’août…
– JMB : Ce qu’il y a de bien avec les grillons, c’est qu’ils font disparaître les acouphènes…
– BM :  Soit on a été dans les bouchons, et on a pas besoin des médias pour être au courant ! Soit on y est pas et on s’en fout ! Totalement
– OW : L’évêché était fermé de l’intérieur !
– HM : Plus je connais les gens, découvre leurs rancœurs, leur amertume, leur mauvaise foi, leur vénalité, plus j’aime les loutres.
– HY : Non L. ! Non ! À 3 ans on ne joue pas avec le harpon ! Tu…tu me rends le harpon douououcement, sans appuyer sur la gâchette. Je viens vers toi…tu…non, tu ne me vises pas. Écoute, donne-moi tes revendications.
– PV : Confucius : « Lorsque tu fais quelque chose, sache que tu auras contre toi tous ceux qui voulaient faire la même chose, ceux qui voulaient faire le contraire, et ceux qui ne voulaient rien faire». Il est mort il y a près de 25 siècles en Chine, mais c’est à croire que Confucius a bossé dans le show-biz ou/et qu’il a habité Paris…
– HD : Dérapage dans la liste des courses ..je me demande si je ne vais pas intenter un procès à Carrefour pour avoir mis du chocolat dans ses rayons…..abus de faiblesse article Article 223-15-2 du Code Pénal…….
– EL : Les amis de mes amis de mes amis qui ont une piscine sont mes amis.
– CL : Le Figaro ce matin : « La croissance défit tous les pronostics des économistes qui tablaient sur une hausse de 0,2%.  » (sic) et toutes les lois du Bescherelle dans la foulée…
– HY : Bouquins à emporter sur la plage aujourd’hui : « Patti Smith », « le portrait de Dorian Gray », « Comment draguer sur la plage avec un poulpe sur la tête ».
– HDD : Le vieux chien de la vieille ministre des vieux vient de mordre un enfant. Cette géronto-insécurité n’est plus supportable. Et le FN ne fait RIEN.
– WM : La bonne nouvelle, c’est le frémissement d’un début d’espoir de possibilité d’hypothèse de reprise de croissance.
– RP : Est-ce qu’on peut faire la manche dans l’Eurostar ?
– OK : Croissance en août, Noël en décembre.
– OK : Une croissance à 0,5% , c’est quand même une croissance à 2 chiffres ! Hé ouais !
– WM : Une légende raconte qu’il existe encore quelques personnes qui utilisent le bac à légumes du frigo pour ranger des légumes et pas la Kro.
– CC : Du haut de ces pyramides, 400 morts vous contemplent…
– GA : Mort de l’avocat Jacques Verges qui avait défendu de nombreuses et célèbres têtes de bites
– FOG : Qu’ont-ils tous à parler de verges dans ma TL, nous ne sommes pourtant pas le 1er samedi du mois !!
– MT : Le mec qui a défendu Klaus Barbie est mort à 88 ans. L’extrême-droite apprécie le trait d’esprit.
– DTG : Ken et Barbie ont le regret de vous annoncer la mort de Jacques Vergès.
– DL : Voyons la mort de vergès me fait-elle quelque chose ??? Ben non rien …. Next !
– JPT : Jacques Vergès est mort. Il a décidé de faire appel.
– ML: la mort d’un pourri dans son lit
– DC : Finies les vergès-tures !
– DB : Je partage ce texte que j’aime beaucoup. Jacques Verges etait un personnage romanesque, comme on n’en fait plus. Respect.
– SS :  « Devant la prolifération des sigles et autres acronymes empruntés à la langue britannique (sa mère) tels que ASAP (As Soon As Possible), BTW (By The Way), WTF (What’s The Fuck ?) qui, non seulement, polluent notre langue quasi-virginale tant vantée pour sa précision et son élégance, mais encore restent incompris par tous les ploucs (dont je fais partie) qui ont fait français première langue et allemand deuxième langue, on propose l’acronymie française AQP (Aussitôt Que possible), PA (Par Ailleurs), CEQCB (C’Est Quoi Ce Bordel). » « AQP, PA, et CEQCB qui sont des sigles et non des acronymes, qui plus outre. »
– HDD : STUPÉFACTION : l’incendiaire de l’Ile de Ré est un ado vacancier des Hauts de Seine MÊME PAS ARABE
– DC : L’incendiaire de l’île de Ré est un ado  de bonne famille du 9-2, qui s’exprime correctement. Ouf, ce n’est pas un enfant Sarkozy !
– RP : Mon chien était en vacances au Liban et il a été victime d’un tir de croquettes.
– DC : Il milite contre la violence et défigure son ex. En même temps, cette femme méritait certainement ce bourre-pif, est-ce vraiment de la violence ?
– PG : Putain !!! mais ça me prend un putain de temps de lire toutes les conneries que vous écrivez dans la journée !!! Vous ne vous rendez pas compte du boulot le soir quand je rentre du jardin ou des champs ou des virées dans les fermes avoisinantes pour gouter le calva !!!! Je suis consciencieux, je lis…. mais ne réponds pas à tout et Dieu sait qu’il y a de quoi !!!!!
– EN : voyant ces gens tristes de rentrer, se dit qu’elle s’est épargnée une épreuve.
– DM : Plus de la moitié des médicaments ne servirait à rien. Ca tombe bien: Plus de la moitié des malades ne le serait pas non plus.
– MP : Supprimons le subjonctif pour que le français est plus simple à apprendre.
– TL : Y a un type qui paye 50 000 balles pour traîner en avion une banderole « Hollande démission » au-dessus des plages. 50 000 €. La droite.
– RP : Comme on dit au Liban, ici c’est joli mais est-ce beau là ?
– DM : fabiius déconseille aux français de se rendre en Égypte. Non? Sérieux?

Bonus coup de gueule de ALD contre la détérioration du tissu social :
« Le 20e siècle est définitivement derrière nous. A la place, nous allons bientôt revenir au 19e siècle : le capitalisme sauvage, le rejet du syndicalisme, le dumping salarial, l’exploitation des travailleurs. Et Ryanair ouvre la voie… Il est donc difficile de comprendre comment quelqu’un qui se dit “de gauche” peut faire la queue devant un guichet Ryanair sans rougir. Dans l’histoire récente, aucune autre entreprise n’a, à la fois directement et indirectement – par la force de l’exemple – autant contribué à saper les fondements sociaux que la “gauche” prétend vouloir défendre et qui constituent le socle sur lequel les sociétés prospères d’Europe de l’Ouest se sont érigées après-guerre : la sécurité au travail, la décence des salaires, la solidarité mutuelle entre les employés et leur entreprise, et ainsi de suite… »
Et les conseils généraux et régionaux qui se disent de « gauche » (PS) subventionnent le low-cost.

Photo prise au MIAM de Sète, expo Manille en cours.

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