Naissance

(J’ai écrit cet article il y a dix ans. Quand elle a eu un compte rond. Dix ans plus tard, il n’y a rien à jeter…)
C’était un jour comme aujourd’hui, clair, radieux, irréprochable. C’était un jour J. Le jour J. Le jour où le petit inconnu aurait un sexe, une taille, un poids, une apparence, un visage et une existence.
Ce fut un jour féminin. Un jour tout rose. Où je ne me demandai pas comment faire. Car je sus que je saurais. Je sus que ma vie avait pris le tour qui convenait, qu’elle avait pris tout son sens et que l’essentiel prendrait tout mon espace.
Les fées d’habitude, elles se dépêchent, elles se démènent,  elles courent d’une couche à l’autre mais là, malgré leur dos broyé à se courber comme ça, restaient penchées sur le berceau, touchées par la grâce de ce petit bourgeon.
Je ne me demandai pas comment  lui apprendre à grandir, à regarder, à écouter, à profiter. Je sentis qu’elle saurait faire ça toute seule, qu’elle me lâcherait la main trop souvent et que c’est moi qui devrais apprendre à grandir, à la regarder, à l’écouter et à profiter d’elle.
J’ai tout de suite vu qu’elle était quelqu’un, qu’elle était elle. Spéciale, unique.  Surtout pas un clone. Elle avait pioché dans nos ADN comme on cueille un bouquet, sans faire la fine bouche devant nos imperfections.
Je ne me posais pas de questions encombrantes, ne me faisais pas de soucis inutiles, ne m’alarmais pas outre mesure. Cette petite créature me mettait en confiance. Loin de m’inquiéter, elle me montrait que la vie c’est simple, que l’amour coule de source, que les soins sont faciles, que l’instinct a raison.
Je savais néanmoins que je ne serais pas une bonne mère, car nulle ne l’est, que je lui ferais peut-être du mal ou de la peine parfois, qu’il serait normal d’avoir envie de l’étouffer sous l’oreiller, de crier plus fort qu’elle et d’abandonner mes principes pour redevenir sauvage. Mais globalement, je sentais que ça marcherait d’enfer entre elle et moi. Et j’étais sûre que ça serait toujours une superbe aventure.
Bien sûr, il y eut les peurs, les terreurs, les angoisses. L’accident possible, le bad boy bouleversant, les provocs de jeunesse, les tentations dangereuses, les tests imbéciles, les pervers de tout poil. Ça fait partie du deal, on en prend pour perpète.
Pacifique, généreuse, tolérante, altruiste, la maternité est ma seule religion. Il n’y a pas plus puissant que cette vie qui jaillit de notre corps et nous tient pour toujours par le bout du nombril. Rien de plus  banal, mais de plus extraordinaire, rien de plus animal mais de sacrément divin, rien de plus intime mais de tellement universel, rien de plus quotidien mais de plus exaltant.
La petite chose est devenue grande, elle  m’a construite, a affuté mes sens et ma conscience, m’a fait toucher l’infini, le surnaturel, le merveilleux et le miraculeux. La plus belle histoire de ma vie.

Texte et dessin © dominique cozette

 

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