Summer, le nouveau Sabolo

Le nouveau Sabolo, comme si elle était aussi connue de Sagan. Non, mais ça peut s’arranger. Monica Sabolo raconte une histoire d’absence de très belle façon, Summer, tout en demi-teintes mates et sourdes. Comme s’il était écrit au pastel gras, avec des non-couleurs fondues, des nuances de bleu, de mauve, de vert… le contraire du criard, de la ligne claire, du descriptif fidèle. La voix est portée par un jeune garçon, devenu trentenaire plus tard, dont la grande sœur disparaît lors d’un pique-nique avec ses copines. Lui, quinze ans, avait été admis aux bacchanales. Nous sommes en Suisse, près du lac, dans des quartiers huppées, dans l’entre-soi, que des gens de bonne compagnie.
Le père a réussi, il est mâle dominant, il brasse les affaires comme les gens. La mère est belle mais ailleurs, sans présence hors sa beauté qui irradie, sa sœur, Summer, est une superbe plante aux jambes et aux cheveux longs, comme ses amies, lui n’est qu’une sorte d’avorton jamais à sa place, se pensant mal aimé, n’ayant pas accédé au statut d’héritier. Son père n’a pas réussi à en faire le jeune homme idéal, brillant comme lui l’avait été, et le fustige régulièrement. Au collège, personne ne devient son ami. Quant aux filles, il les côtoie.
Mais sa sœur disparaît. On ne la retrouve pas. On ne sait pas ce qui s’est passé pendant cette partie de cache-cache. Peu à peu, on apprend toutes sortes de choses, la première que cette sainte n’était pas si nitouche que ça. Puis le temps passe, le garçon n’en parle plus. Il tombe amoureux d’une des copines de Summer, présente ce jour-là. Ça se passe bien jusqu’à ce qu’il décide de ne plus la voir, sans dire pourquoi, la rendant malheureuse. En quelque sorte, il disparaît comme l’a fait sa sœur. Je ne vous dirai pas plus de choses sur la suite, sauf que le garçon tombe en dépression, s’adresse à un psy qui ne lui fait aucun effet, puis retrouve le commissaire qui s’était impliqué dans l’enquête sur sa sœur. Et là, choc.
Un livre très bien écrit, où les sensations, sentiments et ressentis du jeune homme sont décrits de façon organique, comme sous l’eau d’un lac, comme dans des nuages. Très impressionniste, un peu ouaté, un peu onirique mais pas compassé. Ce livre en creux, sur une disparition, est en fait plein de relief.

Summer de Monica Sabolo, chez JC Lattès. 2017. 320 p. 19 €

Voir l’article sur un autre roman de la même auteure, totalement contraire, que j’avais beaucoup apprécié : Crans Montana

Texte © dominique cozette

Crans-Montana, attention, poudreuse !

Monica Sabolo raconte la jeunesse dorée que ses parents ont connue puisqu’ils y ont passé leurs vacances, été et hiver, dans cette station sulfureuse des années glorieuses, celles où le fric n’est pas l’important quand on en a plein et où rien ne semble d’ailleurs important. Crans-Montana, lieu de rencontre entre jeunes nantis, snobs, méprisants mais méprisés aussi par plus snobs qu’eux. Quel drame. C’est le portrait de trois filles divines, les trois C, Claudia, Charlie, Chris, qu’aucun de la bande des garçons n’osent aborder, écrasés par la nonchalance classieuse des Italiens de Milan, de purs mecs irradiant leur micro-société.
Un superbe autre Italien, le fils du traiteur, fait aussi des ravages dans le cœur des femmes et, curieusement, dans l’estime des play-boys puisque tout le monde l’accueille à bras ouverts lorsqu’il débarque dans les boîtes et les fêtes. C’est une sorte de lien entre tout ce petit monde qui se jalouse, s’épie, s’ignore, se sépare puis se retrouve, les mêmes, pour les vacances.
Les trois C ont du mal à grandir, la vie de folie qu’elles mènent ne leur aura rien appris, l’une d’elles se fera tristement engrosser et, plus tard, son sosie de fille voudra demander aux deux C rescapées de l’accident qui a tué la mère, demander si elle a un jour été aimée d’elle. Les années 80 prendront la suite avec sa flamboyance, ses excès, ses indécences, dans les mêmes lieux…avec plus d’alcool, de fric, de poudre, d’esbrouffe.
L’histoire — un peu complexe vu le nombre de personnages — n’est pas l’essentiel. C’est le feeling, le ressenti, les ambiances, l’impalpable qui sont brillantissimes dans ce livre des jeunesses perdues, des rêves jamais vécus, des rancœurs mal digérés. Une petite photo, à la fin, où l’on voit des amis des parents de l’auteure dans la boîte. Comme si elle était nostalgique pour avoir loupé quelque chose de terriblement excitant et que ce livre lui permettrait de combler le retard de sa naissance. Vu comme ça, c’est réussi.

Crans-Montana par Monica Sabolo, 2015, aux éditions jclattès. 250 pages, 19 €.

Texte © dominique cozette

 

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