Celle qui fuit et celle qui reste, le troisième tome des aventures de nos deux amies napolitaines (voir tome 2 ici) devient plus politique. Elles vont sur leur trentaine. L’une est toujours dans son usine miteuse de salaisons près de Naples à subir les humiliations des chefs et du boulot peu ragoûtant, à répondre au sexisme et au harcèlement par la violence. Le soir, devant s’occuper de son fils et de son compagnon avec qui elle fait toujours lit à part, elle ne se sent pas pour la lutte des classes. Et pourtant, elle va s’y mettre, acculée par les conséquences de sa propre agressivité et sa soif de vengeance. Néanmoins, elle continue à assister son compagnon dans une formation par correspondance pour s’échapper de sa condition ouvrière.
La narratrice, de son côté, connaît un succès fou avec le petit livre sur sa défloration non voulue par le père d’un ami. Mais elle choque beaucoup et elle doit s’endurcir pour supporter critiques et quolibets notamment dans son quartier de Naples. Elle se marie avec un brillant universitaire dont la famille fait partie d’une élite intellectuelle. C’est d’ailleurs sa belle-mère qui a oeuvré pour que le petit livre paraisse, qui la pousse à enrichir son réseau et la motive pour qu’elle continue. Hélas, elle se retrouve enceinte immédiatement après sa nuit de noces, ce qu’elle ne voulait pas. Puis une seconde fois, plus ou moins forcée par son mari qui, sous des dehors libertaire, cache des aspects machos à l’italienne.
La narratrice va retrouver parfois son amie à Naples et fait tout pour qu’elle se rebiffe par rapport à la direction de son usine. Ce qu’elle fera. Mais en même temps, s’éloignera irrémédiablement d’elle, plus d’entente possible. L’Italie, à cette époque (les années 70) est d’une grande violence politique et les luttes entre syndicats, prolétaires, révolutionnaires et fascistes vont faire de nombreux morts. C’est le temps des Brigades Rouges.
Peu à peu, la narratrice va tomber dans une routine qui lui fait honte mais comment faire autrement quand on a deux petites, un mari qui ne se consacre qu’à ses études, une inspiration qui ne vient plus ou, quand elle se manifeste, n’est plus à la hauteur. Jusqu’à ce que réapparaisse un homme qu’elle a aimé secrètement, qui travaille maintenant avec son mari et s’invite parfois à la maison.
La suite ! La suite ! La suite !!!
(NB ; les deux premiers tomes sont parus en poche chez Folio)
Celle qui fuit et celle qui reste, ou l’amie prodigieuse III d’Elsa Ferrante, aux éditions Gallimard. 2013. Et 2017 pour la version française par Elsa Damien. 480 pages, 23 €