Le requin de Bertrand Belin

Je ne parle pas de ses chansons que je ne connais pas bien mais de son premier roman, Requin, qui m’a beaucoup plu. D’abord, son écriture est talentueuse, tueuse même et l’histoire qu’il nous raconte est saugrenue : c’est celle du héros en train de se noyer. Tout le livre raconte cette noyade très peu glorieuse, suite à une crampe assassine dans la cuisse, dans un lac … artificiel. C’est moche. A la limite, il espère que ses proches diront : il est mort dans un contre-réservoir, c’est un peu plus classe. Mais dès qu’on sait qu’il s’agit d’un lac de barrage, l’intérêt tombe.
Et son cerveau se met à tourner, pas forcément vite d’ailleurs, et à constater qu’on peut penser à toutes sortes de choses quand on va être englouti : des événements marquants de sa vie comme la nuit où il avait péché du lait dans le port du Havre, oui, du lait, la fois où il a décapité un cygne, mais aussi sa rencontre avec Peggy, sa femme. Peggy qui bouquine sur la plage du lac sans se douter de rien et leur gamin qui joue à faire des pâtés. Mais aussi à des détails futiles, inutiles et sans intérêt comme des couleurs de rideaux, des trucs insignifiants.
Ce n’est pas qu’il soit si triste que ça de mourir. Il l’a souvent souhaité. Mais il aurait aimé finir autrement. Que la vie est cruelle.
Je ne développerai pas plus sauf pour vous dire que c’est un petit livre de dérision, d’humour, bien ficelé, soigné, bien écrit, qui laisse planer un certain suspens car on s’attache au personnage, on est plein d’empathie, on n’aimerait pas qu’il disparaisse …

Requin de Bertrand Belin aux éditions P.O.L. 2015. 182 pages, 14 €.

texte © dominique cozette

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