Vie et mort de Belhazar

Belhazar, le troisième roman de Jérôme Chantreau est passionnant. Il évoque un personnage hors du commun, un poète du temps, de l’ésotérique, un collectionneur de tout et de rien, un amateur de vieilles mécaniques, voitures et armes anciennes, un constructeur de bidules, peintre, inventeur, un beau jeune homme curieux comme personne, qui sait répondre à tout ou presque, et inadapté à l’enseignement tel que pratiqué. Le narrateur, qui est l’auteur, l’a eu comme élève mais sans s’apercevoir qu’il avait affaire à quelqu’un de précieux, de riche, et l’a même viré d’un cours.*
Belhazar — dont la naissance est contraire à toutes les lois de probabilité d’où son nom — est resté ami avec Pierre, le beau-fils de l’écrivain, c’est par lui qu’il a appris sa mort. Il avait dix-huit ans.
Sa mort est bizarre : il s’est tué lui-même avec un vieux pétard de la guerre de quatorze lors d’une interpellation policière qui a mal tourné. C’est un pacifique, il n’a rien d’un suicidaire bien au contraire, il fourmillait tellement de projets, et surtout, la trajectoire de la balle montre que ça aurait une curieuse position pour tirer. Alors quoi ? Une bavure, un accident stupide ? La police ne veut pas d’histoire, elle va bâcler l’enquête, pas de reconstitution, bâcler aussi l’autopsie.
Pour la mère, tant qu’on ne sait pas ce qu’il s’est passé, son fils n’est pas mort. Le père (ils sont séparés mais en bons termes) est plus fataliste. Mais cette histoire finit pas interroger l’écrivain qui va entreprendre une nouvelle enquête. Hélas, comme dans un vieux puzzle, il y a des pièces manquantes. Les deux amis de Belhazar ne peuvent pas témoigner. Le troisième flic qui était réserviste donc moins tenu au secret s’est pendu. Un « gros » avocat, genre grande gueule à intéresser les médias nationaux se passionne pour cette histoire, mais ne pourra aller au bout car il meurt, il était malade. Le jeune avocat qui prend la relève est bourré de motivation et très talentueux. Malheureusement, il a la très mauvaise idée de se trouver au Bataclan le soir de l’attentat et d’y laisser sa peau. Et, last but nos least, l’éditeur qui soutenait l’auteur décide de ne plus le publier. C’en est trop pour la mère qui en mourrait. Alors, il faut continuer… D’autres faits et rencontres viendront enrichir le récit, rendre l’enfant encore plus tangible. Mais drôle d’idée d’avoir invoqué une certaine forme de magie pour finir. On aurait pu s’en passer, heureusement que ça ne gâche en rien le roman. Formidable.
* Au tout début du livre, Jérôme Chantreau nous informe que l’histoire est vrai mais qu’il a changé les noms et lieux, tout ce qui pourrait nuire à la tranquillité des personnes autour de ce fait divers.

Belhazar de Jérôme Chantreau, 2021 aux éditions Phébus. 316 pages, 19 €

Texte © dominique cozette

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