Daeninckx chassé par l'incurie

Didier Daeninckx déménage car il n’en peut plus de la ville du 9-3 qu’il chérissait tant avant que le clientélisme la pourrisse. Cet opus s’intitule Municipales. Banlieue naufragée et s’inscrit dans la collection Tracts de Gallimard, de courts pamphlets pas chers mais bien sentis. C’était une ville des banlieues rouges, municipalités ouvrières où étaient lancés d’ambitieux programmes de rénovation urbaine, où étaient créés des offices du sport et de la culture, où on mangeait gratos à la cantoche, où il y avait des patros et des colos pour les mômes, des maisons des jeunes puis où furent construits théâtres populaires, médiathèques, tout ce qu’il était possible de créer pour améliorer la situation matérielle et morale des classes ordinaires, même si le rock, les jeans et le Coca étaient vus d’un sale œil par les cocos.
Peu à peu, les politicards ont moisi cette histoire, s’alliant avec dealers et voyous, achetant les uns et les autres, fermant peu à peu l’accès à tout, se servant des gros bras de la ville pour leur tranquillité, trafiquant pour leur propre compte les organigrammes,faisant entrer dans les hiérarchies du personnel non méritant, des amis, dévoyant les institutions… Dégoûtant de ce fait les électeurs qui ne furent plus qu’un minuscule 5% à appuyer des décisions forcément non démocratiques.
Sa ville n’est plus sa ville. C’est devenue la poubelle du voisinage. Il y a plus de pauvres que partout ailleurs, des gens tellement miséreux qu’ils ch… dans la rue au vu et au su de tous, des drogués en pagaille, des jihadistes et autres voyous armés jusqu’aux dents. Et donc des faits divers sordides, pour trois francs six sous, des filles harcelées ou plus, des incendies de vengeance. Une horreur. Plus rien à faire, plus rien qui intéresse la classe politique, plus de redressement en vue malgré le ruissellement de fric du futur Grand Paris dont on devine dans quel marigot il va atterrir.
Partir, c’était la seule chose à faire pour l’écrivain (de plus en plus censuré dans cette commune). Rage et tristesse.

Municipales. Banlieue naufragée de Didier Daeninckx, Février 2020 aux éditions Tracts Gallimard. 46 pages, 3,90 €

Texte © dominique cozette

 

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